Bolsonaro prend des mesures pour expulser les Quilombolas Alcantara Plus que le déni du Covid19, le gouvernement se prépare à expulser les quilombolas au profit de la base de lancement aérospatiale de Alcantara

 | Par Alma Preta, Collectif

La décision d’expulsion a été annoncée vendredi (27) et concerne une zone de 12 000 hectares où environ 800 familles vivent au sein de 30 communautés.

Dans l’état du Maranhão, les communautés de quilombolas, les travailleurs et les travailleuses organisés ont réagi au décret du gouvernement brésilien, favorisant l’expansion d’un programme spatial brésilien, en contradiction totale avec la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Relecture : Frédéric Peylet

Les députées se mobilisent pour les territoires quilombola d’Alcântara

Ce texte a été publié sur le profil facebook de la Députée Fédérale Áurea Carolina (PSOL pour l’Etat du Minas Gerais) le 29 mars 2020.

Profitant de l’émotion nationale autour du nouveau coronavirus, le « dégouvernement » du président du Brésil Jair Messias Bolsonaro avance en toute discrétion avec ses projets d’expulsion de centaines de familles de quilombos de leurs territoires ancestraux à Alcântara, Etat du Maranhão. Le gouvernement a déjà réparti entre neuf ministères les tâches qu’il juge nécessaires pour l’expulsion, en détaillant les décisions prises dans une résolution du Cabinet de la sécurité institutionnelle (GSI) de la présidence, publiée au Journal officiel jeudi dernier (26 mars) et signée par le général Augusto Heleno [1].

Le document entérine les décisions du Comité de développement du programme spatial brésilien. Alors que d’autres pays ont suspendu les expulsions, les expropriations et les restitutions de propriété et que les mouvements sociaux au Brésil s’articulent pour garantir la même chose en matière de justice, le « dégouvernement » veut dévaster encore plus la vie de ces communautés en plein milieu de la plus grande crise sanitaire et socio-économique de ces derniers temps.
Ces changements visent littéralement à préparer le terrain pour l’expansion du Centre de lancement d’Alcântara (CLA) d’au moins 12 000 hectares, après que le Congrès ait approuvé en novembre dernier l’accord signé entre Bolsonaro et Trump pour l’exploitation commerciale du Centre.

Tout cela a été fait au mépris des familles quilombolas d’Alcântara, en contradiction totale avec la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont le Brésil est signataire et avec la Constitution fédérale elle-même. La Convention de l’OIT établit que les peuples et les communautés traditionnelles doivent être consultés de manière PRÉALABLE [2] pour toute mesure affectant leur mode de vie, ce qui ne s’est pas produit à Alcântara - dans un État qui concentre en fait le plus grand nombre de quilombolas au Brésil.

Ironiquement, la résolution du GSI mentionne également l’élaboration d’un plan de consultation des communautés quilombolas, une tentative infâme de simuler un dialogue qui n’a jamais existé et de discuter de décisions qui, dans la pratique, ont déjà été prises. Une farce ! En outre, le document approuve un plan de communication avec les communautés - qui, selon les informations du journal Folha de S. Paulo en novembre de l’année dernière, veut « adoucir la résistance » des communautés au CLA.

Informations vérifiées

Le même rapport a révélé que le plan d’expropriation des quilombos en était déjà à un stade avancé, contredisant la version du ministre des Sciences et de la Technologie, Marcos Pontes, selon laquelle l’expansion de la zone du centre ne se ferait pas.

Dès le début, nous nous sommes opposées à la ratification de l’accord : avec la députée Taliria Petrone, nous avons lancé en août la campagne #ConsultaQuilombolaJá consultaquilombolaja, pour faire pression sur le Parlement afin de garantir l’application de la Convention 169, dans le respect de la loi brésilienne.

Nous avons également demandé au Tribunal Suprême fédéral de stopper le processus et nous avons réussi, avec les communautés quilombolas, les organisations de défense des droits humains et les membres de la Coalition des noires pour les droits à obtenir que le Ministère Public Fédéral se prononce en faveur d’une consultation préalable.

Malheureusement, la majorité du Parlement s’est rendue complice de la violation des droits des quilombolas à Alcântara, rappelant que notre passé colonial, esclavagiste et génocidaire insiste encore pour laisser sa marque dans le présent. Mais nous n’abandonnerons pas. Nous prenons déjà les mesures appropriées pour mettre un terme à l’absurdité du « dégouvernement » de Bolsonaro. Cela ne passera pas !

Le 30 mars, l’agence de Journalisme Alma Preta a publié l’article suivant. Il est suivi du communiqué du CONAQ

Les Quilombolas de Alcântara vont dénoncer le gouvernement à l’OIT pour leur expulsion dans l’état du Maranhão

Les communautés de quilombolas, les travailleurs et les travailleuses organisés du Maranhão ont réagi au décret du gouvernement brésilien, qui établit des procédures pour l’expulsion des familles quilombolas de la région d’Alcântara pour l’expansion d’un programme spatial brésilien.

Plus de 140 organisations de la société civile, ONG et associations ont signé une note conjointe des syndicats de travailleurs et travailleuses de l’agriculture familiale d’Alcântara (STTR), de la municipalité d’Alcântara (SINTRAF), de l’Association du territoire quilombola d’Alcântara (ATEQUILA), du Mouvement des femmes travailleuses d’Alcântara et du Mouvement des personnes affectées par la base spatiale (MABE), déclarant que la mesure “viole plusieurs dispositifs légaux protégeant les droits des communautés descendantes des quilombos ».

Les communautés quilombolas sont présentes dans la région d’Alcântara depuis le XVIIe siècle. C’est la ville brésilienne qui compte le plus grand nombre de territoires quilombos reconnus par l’Institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA) : Ce sont 156 communautés où vivent plus de 22 000 descendants d’esclaves marrons. [3].

La décision a été annoncée vendredi (27 mars) et concerne une zone de 12 000 hectares où environ 800 familles vivent au sein de 30 communautés. Cependant, un accord signé par le Brésil auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT) en 1988 établit qu’une consultation préalable est nécessaire avant toute action ayant un impact direct sur la vie des quilombolas.

Nous reconnaissons l’importance stratégique que la base d’Alcântara représente pour le pays, mais nous comprenons surtout que le territoire est un élément essentiel pour la consolidation de tous les droits fondamentaux. C’est pourquoi nous sommes disposés à engager un dialogue avec le gouvernement fédéral dans la recherche d’une solution qui tienne compte des droits des quilombolas. En attendant, nous poursuivrons le dialogue avec les organisations représentant le territoire ethnique d’Alcântara, la mairie, les conseillers municipaux, les mouvements sociaux et les universités.
FRANCISCO GONÇALVES DA CONCEIÇÃO
Secrétaire d’État aux droits humains et à la participation populaire

Dans un entretien avec Alma Preta, le politologue Danilo Serejo, Quilombolas de Alcântara, estime que la décision du président du Brésil est surprenante par sa forme et sa rapidité. Pour lui, cette mesure est inquiétante car elle pourrait répéter la même erreur que l’État brésilien a commise pendant la dictature militaire des années 1980, lorsque le centre de lancement a été construit à Alcântara et que les familles ont été expulsées. Ces familles subissent encore aujourd’hui les impacts de cette expulsion.

«  Nous allons recourir à la loi et dénoncer le gouvernement à l’OIT pour entraver l’avancement de ce projet gouvernemental. Nous dénoncerons également le Brésil face à la Commission interaméricaine des droits humains de l’Organisation des États américains, en faisant le point sur cette résolution  », a déclaré M. Serejo. En novembre de l’année dernière, l’OIT a admis le recours contre le processus d’expansion du centre spatial d’Alcântara.

La Coordination nationale des communautés rurales noires quilombolas (Conaq) a également publié une note dans laquelle elle souligne que « l’approbation de résolutions qui ne sont pas fondées sur le dialogue démocratique est inadmissible ».

Dans une interview pour Alma Preta, Givania Maria da Silva, du collectif Femmes et éducation de la Conaq s’interroge également sur la position du président du Brésil en annonçant le décret en pleine crise sanitaire mondiale avec la nouvelle pandémie de coronavirus.

« Cette décision est épouvantable à un moment où le monde se bat pour défendre la vie et où Bolsonaro s’avance dans cette lutte folle pour tuer plus de monde. Les services de santé publique n’arrivent plus dans les communautés quilombolas. Le racisme est structuré au sein même de l’institution gouvernementale et officiellement déclaré. Cette mesure vise à l’extermination d’un groupe qui a historiquement combattu pour résister ».

NOTE DE CONDAMNATION DE LA MENACE D’EXPULSION DES COMMUNAUTÉS QUILOMBOLA ALCÂNTARA /MA
Par ce communiqué, le Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’agriculture familiale d’Alcântara (STTR), le Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’agriculture familiale de la municipalité d’Alcântara (SINTRAF), l’Association du territoire quilombola d’Alcântara (ATEQUILA), le Mouvement des femmes travailleuses d’Alcântara et le Mouvement des personnes affectées par la base spatiale (MABE) et les institutions souscrites ci-dessous, ayant pris connaissance de la résolution n°11 du 20 mars 2020 du Cabinet de la sécurité institutionnelle de la Présidence de la République, publiée au Journal officiel le 27 mars 2020, répudient la résolution mentionnée, qui vise à établir, en violation des lois nationales et internationales, les lignes directrices pour l’expulsion des communautés quilombos d’Alcântara de leurs territoires.
Nous considérons que cette mesure est arbitraire et totalement illégale. Elle viole plusieurs dispositifs légaux protégeant les droits des communautés descendantes des quilombos, ainsi que les conventions et traités internationaux se référant aux droits de ces communautés. Nous dénonçons, auprès du peuple brésilien, le gouvernement Bolsonaro, soumis aux intérêts du gouvernement des États-Unis, qui, en plus de nous démettre de notre base de lancement, rendant impossible le développement de nos connaissances et de notre technologie aérospatiale, démet le peuple quilombola vivant sur ce territoire qui leur appartient depuis des centaines d’années. Nous exigeons, du même coup, le respect de la souveraineté du peuple quilombola sur ses territoires et le respect de la souveraineté du peuple brésilien sur la base d’Alcântara.
Enfin, nous n’admettons aucune possibilité d’être déplacés et nous réaffirmons notre défense absolue des communautés quilombolas d’Alcântara dans leur droit à rester sur leur territoire traditionnel dans sa totalité et sa plénitude. Nous activerons tous les moyens et mesures possibles pour les sauvegarder.
Les gouvernements passent, mais le peuple reste et sera souverain de son destin !


Sindicato dos Trabalhadores Agricultores e Agricultoras Familiares de Alcântara (STTR)
Sindicato dos Trabalhadores e Trabalhadoras na Agricultura Familiar do Município de Alcântara (SINTRAF)
Associação do Território Quilombola de Alcântara (ATEQUILA)
Movimento de Mulheres Trabalhadoras de Alcântara e o Movimento dos Atingidos pela Base Espacial (MABE)
ABRASCO
Acampamento Terra livre
Ação Educativa
Afrobase – SP
Agência Solano Trindade – SP Agência Tambor
Agentes de Pastoral Negro do Maranhão Amigos da Terra Brasil
Articulação para o Monitoramento dos Direitos Humanos no Brasil
Associação Agroecológica Tijupá
Associação Brasileira de Reforma Agrária – ABRA
Associação Nacional de Pós-Graduação e Pesquisa em Geografia (Anpege)
Balaios Livraria
Bijari – SP
Brigada do Congresso do Povo – MA Casa Amarela de Cultura Coletiva – SP Casadalapa – SP
Central de Movimentos Populares
Central Sindical e Popular CSP CONLUTAS
Centro de Assessoria e Apoio a Iniciativas Sociais – CAIS
Centro de Ciências e Saberes Mãe Anica Centro de Cultura Negra do Maranhão
Centro de Pesquisa e Extensão em Direito Socioambiental (CEPEDIS)
Coalizão Negra por Direitos
Coletivo Aparelhamento – SP Coletivo Imargem – SP
Coletivo Madeirista – Porto Velho, RO Coletivo Ocupeacidade – SP Coletivo Política do impossível – SP Coletivo Tralha – SP
Coletivo Transversos – DF / SP
Comissão Brasileira Justiça e Paz da Conferência Nacional dos Bispos do Brasil (CBJP/CNBB)
Comissão de Direitos Humanos de Passo Fundo – CDHPF
Comissão Nacional de Fortalecimento das Reservas Extrativistas e Povos e Comunidades Costeiras e Marinha – CONFREM Brasil
Comissão Nacional de Fortalecimento das Reservas Extrativistas e Povos e Comunidades Costeiras e Marinha – CONFREM Maranhão
Comitê da América Latina e do Caribe pela Defesa dos Direitos das Mulheres (CLADEM-Brasil)
Condominio Cultural – SP
Conferencia Nacional dos Bispos do Brasil Regional NE 5 – Maranhão
Conselho Nacional de Leigos do Brasil – Regional NE 5
Conselho Estadual da Política de Igualdade Étnico-Racial – CEIRMA
Conselho Pastoral dos Pescadores
Coordenação Nacional de Articulação das Comunidades Negras Rurais Quilombolas – CONAQ
Creative Commes – SP
Diocese de Pinheiro
Ecossistema Tropical – BR
Ecossistema Tropical – SP
Federação dos Trabalhadores Rurais Agricultores e Agricultoras do Estado do Maranhão – FETAEMA
Feira Da Tralha – São Luís
FIAN Brasil
Frente 3 de fevereiro – SP
Frente Parlamentar Mista de Apoio aos Objetivos Desenvolvimentos Sustentável da ONU–ODS
Geledès – Instituto da Mulher Negra
Gráfica Fábrica – SP
Grito dos Excluídos Brasil
Grupo de Estudos Rurais e Urbanos
Grupo de Estudos, Pesquisa e Debates em Serviço Social (GSERMS) – UFMA
Grupo de Estudos : Desenvolvimento, Modernidade e Meio Ambiente da Universidade Federal do Maranhão (GEDMMA/UFMA)
Grupo de pesquisa Territorialidades e Imaginários na Amazônia-UNIR
Horacio Antunes de Sant’Ana Júnior Instituto Maranhão Sustentável
Instituto Pacs – Políticas Alternativas para o Cone Sul
Instituto Polis
Instituto Socioambiental – ISA Irmãs de Notre Dame de Namur Jornal Vias de Fato Jornalistas Livres Justiça Global – JG
Justiça nos Trilhos
Laboratório de Estudos e Pesquisa sobre Espaço Agrário e Campesinato (LEPEC/UFPE)
MAM – Movimento Pela Soberania Popular na Mineração
Marcha das Margaridas Marcha Mundial Das Mulheres
Marcha Mundial das Mulheres Maranhão Maria Eco Lopes de Castro Maria Máxima Pires
Movimento Baia Viva do Rio de Janeiro Movimento de Defesa da Ilha – São Luís/MA
Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terras do Maranhão – MST
Movimento Mulheres em Luta – MML
Movimento Nacional de Direitos Humanos – MNDH Brasil
MSTC – Movimento dos Sem Teto do Centro
Observatório de Protocolos Comunitários de Consulta e Consentimento Livre, Prévio e Informado
Ocupeacidade – SP
Ong Arte-Mojó
Parquinho Gráfico – SP
Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado – PSTU
Pastorais Sociais
Pastoral Afro
Paulestinos – SP
Política do Impossível – SP
Potira Floricultura – Florianópolis
Programa de Pós Graduação em Cartografia Social e Política da Amazônia
Publication Studio São Paulo Quilombo Raça e Classe Quilombo Urbano
Rádio Camponesa – Crateús/CE
RADIO CANAÃ FM – CE Rede de Médicos Populares Rede Jubileu Sul
Rede Social de Justiça e Direitos Humanos Reocupa
Residência Artística Jardim Aberto – JARA – Porto Alegre
Saulo Costa Arcangeli
Sindicato dos Trabalhadores do Judiciário Federal e MPU do Maranhão – Sintrajufe/MA
Sindicato Nacional dos Docentes das Instituições de Ensino Superior (ANDES-SN)
SINTES-MA Sindicato dos Trabalhadores em Entidades Sindicais, Órgãos Classistas, Entidades Não Governamentais e Partidos Políticos no Estado do Maranhão
SP terra indígena
Treme Terra – SP
Uneafro Brasil
União de Moradores do Taim União Estadual por Moradia
Via Campesina

[1Avant cette date, le général s’était isolé pour avoir été testé positif au nouveau coronavirus

[2en majuscule dans le texte original

[3Le gouvernement de l’État du Maranhão, par l’intermédiaire du Secrétariat d’État aux droits humains et à la participation populaire - SEDIHPOP, s’est prononcé contre la décision du Comité brésilien de développement du programme spatial qui, par sa résolution n° 11, autorise l’expulsion des familles quilombolas de la zone de consolidation du Centre spatial d’Alcântara, compte tenu des intérêts de l’expansion de la base aérospatiale dans cette municipalité. La décision, qui ne tient pas compte du droit à la consultation préalable, libre et informée des communautés affectées par des actes administratifs les impactant, a été rendue publique dans une édition du Journal officiel

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