C’est ainsi qu’Antonio Martins, rédacteur en chef de Outras Palavras et fondateur du Monde Diplomatique Brésil présente l’Accord Europe-Mercosul : l’accord de recolonisation le 6 juillet 2019.
Il ajoute que si, en Amérique du Sud, l’axe de la critique est anticolonialiste, en Europe, l’accent est mis sur la dévastation des droits sociaux et des dispositifs de production basés sur la solidarité, au bénéfice des grandes entreprises et des logiques capitalistes. Les agriculteurs ont été les premiers à protester. Défenseurs actifs des petites exploitations agricoles et d’un modèle agricole qui valorise l’agriculture biologique, locale et coopérative, ils craignent de subir la concurrence déloyale de la production basée sur le latifundium, les pesticides, l’expulsion des travailleurs ruraux et la dévastation de la nature.
Ce risque n’a rien d’hypothétique. De nombreux observatoire et agences de journalisme enquêtent sur ce secteur de l’économie et ces liens avec le pouvoir parlementaire. Le Brésil est le pays qui consomme le plus de pesticides au monde. Ce que ce mode de production agro-toxique à des conséquences lourdes pour l’environnement, la population rurale et l’économie du pays. Pour mener l’enquête, les agences de journalismes investigatifs Agencia Publica et Reporter Brasil co-animent un observatoire "Por Trás do Alimento / La face cachée des aliments".
Dans une enquête du 18 juin 2020, le journaliste Pedro Grigori épluche la législation permissive brésilienne qui transforme le pays en mine d’or pour les principales entreprises agrochimiques de la planète. Parmis eux, 22 produits sont classés par le Réseau d’action contre les agrotoxines (PAN) comme pesticides hautement dangereux (HHP). Ils sont toxiques pour le système reproducteur, peuvent provoquer des modifications de l’ADN, sont cancérigènes ou mortels pour les abeilles et autres pollinisateurs. Deux études publiées en 2019 montrent que bien que leurs produits soient interdits en Union européenne, où se trouve leur siège, les entreprises Bayer, Basf et Syngenta ont vendus 63 000 tones de seulement 10 de ces 22 produits agrochimiques, en 2018 au Brésil - selon l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama). Les 12 autres produits n’ont pas été inclus dans le rapport pour des raisons de secret commercial, et Ibama ne publie des données que sur les ingrédients actifs qui ont trois entreprises de fabrication ou plus. Le rapport ne précise pas non plus combien de ces pesticides ont été vendus par Bayer, Syngenta et Basf.
Or, si ces produit sont interdits, Guy Pichard montre ensuite comment des pesticides interdits en Europe se retrouvent dans nos jus, notre café et nos assiettes via le Brésil ? dans un article publié dans Basta !, le 2 juillet 2019.
Ainsi, au moment où l’Accord EU-Mercosur est présenté au public, en partie, l’article sonne l’alerte : ce sont 239 pesticides supplémentaires qui ont été légalisés et mis sur le marché au Brésil depuis l’arrivée au pouvoir du président d’extrême-droite Jair Bolsonaro, le 1er janvier 2019. [1] Plus d’un par jour ! Un record qui vient s’ajouter à celui d’être le premier consommateur de pesticides au monde, avec plus de 500 000 tonnes par an. En 2017, le Brésil représentait même 18 % du marché mondial des pesticides. La très importante présence de groupes agricoles industriels et de leurs lobbys jusqu’au sein du parlement brésilien explique cette course folle. Mais à quel prix ? Une personne meurt presque tous les deux jours au Brésil intoxiquée par les pesticides [2].
Par ailleurs, l’Accord UE-Mercosul ne semble pas tenir compte de comment des entreprises européennes sont liées à la déforestation illégale de l’Amazonie et des Liaisons dangereuses entre les champions brésiliens de la déforestation et l’industrie européenne. Ces questions sont respectivement soulevée par Mathilde Dorcadie et Olivier Petitjean dans l’Observatoire des multinationales.
Le message clef relayé est celui de l’ONG AmazonWatch ’dans son rapport contre la complicité des consommateurs "du nord" - rendu public ce 25 avril 2019 ->https://amazonwatch.org/assets/files/2019-complicity-in-destruction-2.pdf] :
En important du soja, de la viande de bœuf, du bois ou du sucre, des entreprises européennes et nord-américaines se rendraient-elles directement ou indirectement complices de la déforestation illégale de la forêt amazonienne et de violations des droits des peuples autochtones ? « Européens et Nord-américains font partie du problème, mais ils font aussi partie de la solution », dit Christian Poirier, qui a dirigé les recherches.
Ce rapport est co-signé avec l’Articulation des peuples autochtones du Brésil, l’APIB qui en octobre-novembre 2019 est venu en Europe pour alerter les différents gouvernements et l’UE qu’avec cet accord, “Vous êtes en train de financer un crime”