Conflits dans les campagnes brésiliennes 2025 Rapport publié par la Commission Pastorale de la Terre (CPT)

 | Par CPT

Selon le rapport rendu public par la Commission Pastorale de la Terre (CPT), les données sur les conflits dans les campagnes en 2024 indiquent une diminution du nombre de conflits, mais pas de la violence. Préparé chaque année par la CPT depuis 1985, le rapport est construit principalement à partir du travail des agents de pastorale de la CPT qui, dans les équipes régionales, travaillent auprès de communautés rurales dans tout le Brésil.

Ce mercredi 23 avril 2025 à 9 heures, la Commission Pastorale de la terre (CPT) a lancé la 39e édition du rapport Conflits dans les campagnes brésiliennes, qui présente les données sur la violence et les actions de résistance dans les campagnes en 2024. Sur la base des registres du Centre de Documentation Dom Tomás Balduino (Cedoc-CPT), on a eu en 2024 une baisse de près de 3% du nombre de conflits dans les campagnes, par rapport à 2023 : 2.185 conflits en 2024 contre 2.250 l’année précédente.

L’année 2023 avait enregistré un nombre record depuis le début de la publication et, malgré une petite réduction l’an dernier, 2024 a est au 2° rang parmi les chiffres de conflits les plus élevés de conflits sur toute la série historique documentée par la CPT. Ce maintien à des niveaux élevés est en relation directe avec l’augmentation des conflits autour de l’eau, et à l’augmentation continue des conflits autour de la terre, en particulier pour ce qui concerne les violences contre l’occupation et la possession. On constate également une réduction des cas de travail esclave et des actes de résistance, ce qui fait que les données globales sur les conflits dans les campagnes sont inférieures en 2024 à celles de 2023.

La majorité des cas enregistrés concernent toujours des violences autour de la question de la terre, avec 1.680 cas, soit 78 % du total. Vient ensuite la question de l’eau, avec 266, puis celle du travail, avec 151 cas, et les faits de résistance, avec 88 registres.

Nombre de cas de conflits dans les campagnes

Conflits de terre

Il y a eu 1 768 conflits de terre. Par rapport à 2023, où 1.766 cas avaient été enregistrés, on observe une légère augmentation, de sorte qu’on atteint le nombre le plus élevé des 10 dernières années. La plupart des cas enregistrés sur sur des questions de terre sont des actes de violence (1.680), tandis qu’il y a eu, par rapport à l’année 2023, une diminution des faits de résistance, tant en termes d’occupations (de 124 à 78) que de campements (de 18 à 10).

L’État du Maranhão est en tête du nombre des cas de violence pour la terre, avec 363 occurrences en 2024. Se distinguent également les États : du Pará, avec 234 occurrences ; de la Bahia, avec 135 ; et de Rondônia, avec 119. Il est également important de souligner la part de la contamination par pesticides dans l’augmentation des signalements de violence, notamment dans l’État du Maranhão. L’an dernier, ce type de violation a augmenté, passant de 32 occurrences en 2023 à 276 en 2024, soit pratiquement une multiplication par 9. La plupart des cas ont été enregistrés dans le Maranhão (228), où les communautés traditionnelles sont confrontées aux graves conséquences de la pulvérisation aérienne de pesticides.

Le Cedoc-CPT a également identifié la participation du groupe connu comme « Zéro Invasion » dans plusieurs conflits fonciers en 2024, avec de violentes attaques perpétrées dans les États de Goiás, Maranhão, Bahia, Espírito Santo, Paraná, Pará et Pernambuco, où les actions ont été présumées et/ou prouvées comme étant des attaques de ce groupe. Cependant, dans d’autres États comme le Mato Grosso, le Mato Grosso do Sul, le Ceará et Santa Catarina, des attaques coordonnées par des groupes de fermiers ont également eu lieu, suivant les mêmes modèles d’action de « Zéro Invasion ». Un exemple notable est celui de l’assassinat de Maria Fátima Muniz de Andrade (Nega Pataxó), commis en janvier de l’année dernière par un agriculteur lié au groupe « Invasão Zero », lors d’une réoccupation du peuple autochtone Pataxó Hã Hã Hãe.

Conflits liés à l’eau

Les données liées à des conflits relatifs à l’eau – 266 – représentent le 3ème chiffre le plus élevé de cas au cours des 5 dernières années. Par rapport à 2023, le nombre de ces conflits a encore augmenté, avec un accroissemnt de 16 % des cas enregistrés.

Nombre de cas de conflits liés à l’eau

Les États qui ont le plus souffert de violences relatives à l’eau ont été le Pará, avec 65 occurrences, suivi du Maranhão, avec 45, de Minas Gerais, avec 30, et de la Bahia, avec 22. Par rapport au nombre total de cas de violence liés à l’eau, les cas enregistrés dans l’État du Pará représentent 24 %, et ceux du Maranhão 17 % du total national.

Les violations enregistrées dans le domaine de « L’utilisation et la préservation » de l’eau viennent en tête des conflits liés à l’eau, avec 70 % des enregistrements, suivies par celles liées aux « Barrages » (23 %) et à « L’appropriation de l’eau » (7 %). On constate également une augmentation par rapport à l’année précédente dans les violations relatives au « Non-respect des procédures légales » (passant de 79 à 84), à la « Destruction et pollution » (de 59 à 69) et à la « Contamination par pesticides », qui connaissent les plus fortes augmentations (de 26 à 40 enregistrements).

Travail esclave en milieu rural

En 2024, on a constatéune réduction importante du nombre de cas et du nombre de personnes retirées du travail esclave en milieu rural, par rapport à 2023, qui avait enregistré le nombre le plus élevé de la dernière décennie – 2.663. L’année dernière, 151 cas de travail esclave rural ont été enregistrés et 1.622 personnes ont été retirées de cette condition. Cette réduction de 40 % du nombre d’occurrences et de 39 % du nombre de personnes secourues par rapport à 2023 est en partie due à la grève des inspecteurs du travail qui a débuté en mars 2024.

Minas Gerais se distingue parmi les États ayant connu le plus de cas et aussi le plus de personnes libérées : 37 cas et 479 travailleurs libérés. L’État de São Paulo se distingue également, avec 11 cas et 357 travailleurs libérés ; ainsi que celui de Mato Grosso do Sul, avec 19 occurrences et 124 travailleurs.

En ce qui concerne les activités économiques où se concentrent les cas de travail esclave rural, en 2024, l’activité économique où le plus de personnes ont été retirées de conditions de travail esclave est la culture du café, avec 237 libérations. Vient ensuite la culture de l’oignon, avec 194 travailleurs secourus entre São Paulo (121) et Minas Gerais (73). Et aussi l‘élevage bovin, avec un total de 137 personnes libérées dans plusieurs États, notamment dans la région Centre-Ouest, avec 65 sauvetages enregistrés.

Violence contre la personne

L’année 2024 est marquée par une diminution du nombre de victimes de violences contre la personne, tant en nombre d’occurrences qu’en nombre total de victimes. On a recensé 1.528 cas de violence, contre 1.720 en 2023, et 1.163 victimes, contre 1.480 l’année précédente. On a également constaté une diminution du nombre d’assassinats : alors que l’année précédente, 31 vies avaient été emportées dans le cadre de conflits dans les campagnes, en 2024, le nombre de cas confirmés a été de 13. La baisse par rapport à l’année précédente est de 58. Cependant, des États qui n’avaient auparavant enregistré aucun assassinat apparaissent en 2024, comme le Pará, Santa Catarina et le Tocantins.

Si l’année 2024 a vu une baisse des cas d’assassinat, cela ne signifie pas une diminution de la violence : ceci parce qu’en 2024 il y a eu une augmentation du nombre de menaces de mort (de 219 à 272) ; il s’agit là du nombre le plus élevé depuis 10 ans. L’année a par ailleurs été marquée par une augmentation des cas d’intimidation (de 192 à 221) et de tentatives de meurtre (de 72 à 103), soit un bond de près de 50 %. Dans le cas des tentatives d’assassinat, 79 % des victimes sont membres de peuples autochtones ; parmi eux, plus de la moitié (52 %) sont originaires du Mato Grosso do Sul ; les principaux auteurs identifiés sont des fermiers, dans des zones en situation de réoccupation.

Actions de résistance

En 2024, 649 manifestations de lutte ont été enregistrées dans le pays, parmi elles : des actes publics, des protestations et des blocages de voies routières et de voies navigables. Ces chiffres font de 2024 la deuxième année avec le plus faible nombre de manifestations au cours des dix dernières années, derrière seulement 2018, où 554 avaient été enregistrées. Malgré la réduction des cas enregistrés d’actions de résistance, et ce pour la troisième année consécutive, le nombre de participants a augmenté par rapport à 2023, passant de 111.233 personnes à 169.998.

Les principales revendications identifiées dans ces actions de résistance concernent la réforme agraire/terrestre, qui vient en tête du nombre d’enregistrements avec 201 revendications ; viennent ensuite celles contre l’injustice et la violence, avec 168 enregistrements ; sur des questions liées à l’environnement, avec 138 enregistrements ; et sur des questions relatives aux peuples autochtones, avec 83 cas, incluant : droits des peuples autochtones, démarcation de territoires et législation sur le « marco temporal » (qui prétend restreindre toute possibilité de revendication aux territoires effectivement occupés à la date de promulgation de l’actuelle constitution : 1988).

Ce rapport

Préparé chaque année par la CPT depuis 1985, avec une première publication en 1986, le rapport Conflits dans les campagnes est une source de recherche pour les universités, les médias, les agences gouvernementales et non gouvernementales. Le rapport est construit principalement à partir du travail des agents de pastorale de la CPT qui, dans les équipes régionales, travaillent auprès de communautés rurales dans tout le Brésil, et aussi à partir de l’examen de plaintes, documents et informations, réalisé tout au long de l’année par l’équipe de documentalistes du Centre de documentation Dom Tomás Balduíno (Cedoc-CPT).

Voir en ligne : Dados de conflitos no campo em 2024 registram diminuição no número de conflitos, mas não da violência, indica publicação da CPT

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