La communauté autochtone Yanomami dans le viseur des orpailleurs

Victor Moriyama/ISA

Le gouvernement brésilien, habitué à encourager les invasions de Terres Indigènes, ne fait rien pour les autochtones. Depuis le 10 mai, ils vivent dans un climat de tension.

Victime de quatre massacres depuis les années 1980, le peuple Yanomami qui continue d’être la cible d’attaques criminelles de la part d’envahisseurs à la recherche d’or sur leur territoire, craint que l’histoire ne se répète. Le 10 mai, le peuple autochtone de Palimiú a subi la première d’une série d’attaques : des orpailleurs arrivés à bord de sept embarcations ont fait feu sur la communauté vivant dans la région d’Alto Alegre, à Roraima (RR), dans l’extrême Nord du Brésil. Compte tenu du très grand risque d’invasion de leur communauté, les autochtones ont riposté. Ce fut leur réaction de protection des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Un Yanomami a été touché à la tête, trois orpailleurs ont été tués et cinq ont été blessés. Cela a nourri la soif de vengeance des envahisseurs qui s’organisent de jour en jour, intensifiant la truculence de leurs attaques.

Selon des informations récentes, deux enfants Yanomami, âgés de 1 et 5 ans, sont morts à la suite de cette action criminelle. Terrorisés par les coups de feu, ils ont couru pour tenter de se sauver. Leurs corps ont été retrouvés flottant dans la rivière le 12 mai. Les autochtones pensent qu’ils se sont noyés en essayant de se cacher.

La peur a saisi la communauté et le sentiment d’impuissance la laisse dans un état d’alerte permanent. L’attaque la plus récente a eu lieu dans la nuit de dimanche 16 mai, au cours de laquelle, les orpailleurs ont utilisé, en plus des armes, des bombes à gaz contre les autochtones.

Police fédérale et Armée de terre : visites rapides

Mardi 11 mai, des agents de la Police fédérale (PF) se sont rendus sur place pour enquêter sur l’incident. Alors qu’ils étaient sur le point de réembarquer vers la capitale, Boa Vista (RR), ils ont été surpris par une attaque d’orpailleurs qui, passant en bateau sur la rivière Uraricoera, ont tiré de nouveaux coups de feu. Les agents de la PF ont ensuite quitté la communauté.

Les Yanomami, par le biais de l’Association Hutukara, ont également fait appel à l’Armée de terre, demandant qu’un poste d’urgence soit mis en place dans la communauté.

Mercredi 12 mai, des militaires s’y sont rendus mais ne sont restés que deux heures. Plus tard, la communauté a subi une nouvelle attaque ; cette fois, ce sont 40 embarcations d’orpailleurs armés qui ont à nouveau fait feu sur les autochtones.

Inertie du gouvernement

Malgré les répercussions dans la presse et les dénonciations des militants des droits humains, le gouvernement brésilien semble ignorer les appels. Et les avertissements ne sont pas nouveaux. L’année dernière, le Ministère public fédéral (MPF) avait déjà mis en garde contre la situation de conflit, appelant à la désintrusion des orpailleurs de la région située dans la municipalité d’Alto Alegre.

Le nombre de convoiteurs des terres des populations autochtones a considérablement augmenté ces dernières années, entraînant la dégradation de la forêt, lieu de vie des Yanomami, ce qui menace leur santé, notamment pendant la pandémie. Les envahisseurs ont également des liens avec l’une des organisations criminelles les plus redoutées du pays, le PCC, connu sous le nom de Parti du crime.

La demande actuelle du MPF s’inscrit dans le cadre de l’action civile publique de l’année dernière, dans laquelle l’institution a demandé une opération visant à expulser les personnes qui travaillent illégalement à l’extraction d’or sur les Terres Yanomami (TIY). Le MPF ajoute que leur présence implique des crimes environnementaux et des risques de dissémination de coronavirus contre les fragiles populations autochtones.

Dans l’action en justice, le MPF souligne que l’exploitation minière illégale a profité de la situation de pandémie et a progressé de 30 % sur les Terres Yanomami. La rivière Uraricoera représente à elle seule 52 % de l’ensemble des dommages causés par les activités illégales. Avec l’avancée de l’exploitation minière, les cas de Covid-19 ont également augmenté de 250% en trois mois dans la région.

Détermination de la Justice

Mercredi 12 mai, le MPF a déposé une demande d’injonction auprès de la Cour fédérale pour que l’Union déploie immédiatement des forces de sécurité dans la communauté de Palimiú.

La 2e Cour du Tribunal fédéral a accédé à cette demande et a déterminé jeudi 13 que le gouvernement fédéral devait faire la preuve du déploiement des troupes de police sous peine d’amende. À ce jour, cette demande n’a pas été satisfaite.

Conférence de presse

Samedi 15, malgré la crainte d’embuscades, les leaders Yanomami se sont rendus à Boa Vista, capitale de Roraima, pour dénoncer à la presse ce qui se passe sur leur territoire : invasion par les orpailleurs, attaques directes, dévastation de l’environnement et mort d’enfants Yanomami. Ils ne savent plus à qui s’adresser car, même avec la FUNAI, l’Armée de terre et la Police fédérale informées et même après une décision de justice prise, le gouvernement fédéral ne fait toujours rien pour les protéger pleinement.

Clameur

L’Association des peuples autocthones du Brésil (APIB) s’est manifestée dès le 11 mai, en demandant au Tribunal Supérieur Fédéral de déloger les envahisseurs de la TI Yanomami. Il n’y a toujours pas de réponse à cette demande.

Les attaques auraient commencé après que les Yanomami ont construit une barrière sur la rivière Uraricoera pour arrêter l’avancée de l’exploitation minière illégale et éviter la contamination par le coronavirus.

Ils auraient saisi du matériel que les envahisseurs avaient apporté au milieu de la forêt, sur les sites miniers, comme des jerricans de gasoil et une barge, ce qui a attisé la colère des orpailleurs. Cela s’est produit à la fin avril et depuis lors, ils sont passés à l’attaque.

Forêt vivante

Pour les Yanomami, « urihi », la terre-forêt, n’est pas un simple espace inerte d’exploitation économique (ce que nous appelons « nature »), mais une entité vivante, insérée dans une dynamique cosmologique complexe d’échanges entre humains et non-humains. En tant que telle, elle est aujourd’hui menacée par la prédation aveugle des Blancs.

Les Yanomami forment une société de chasseurs-agriculteurs de la forêt tropicale du Nord de l’Amazonie dont le contact avec la société nationale est, pour la majeure partie de leur territoire, relativement récent. Leur territoire couvre une superficie d’environ 192 000 km2, située des deux côtés de la frontière entre le Brésil et le Venezuela, dans l’interfluve Orénoque-Amazone (rive droite du Rio Branco et rive gauche du Rio Negro).

Selon les estimations de Peuples Autochtones du Brésil (Pib), en 2019, la population répartie entre Roraima et Rondônia s’élèverait à 26 780 autochtones, tandis qu’au Venezuela, ils seraient 11 341 (enquête 2011).

La ruée vers l’or

Une centaine de pistes minières clandestines ont été ouvertes dans le cours supérieur des principaux affluents du Rio Branco entre 1987 et 1990. Le nombre de garimpeiros dans la région Yanomami de Roraima était alors estimé de 30 à 40 000, soit environ cinq fois la population autochtone qui y réside.
Bien que l’intensité de la ruée vers l’or ait considérablement diminué au début des années 1990, les foyers d’orpaillage continuent à ce jour d’empiéter sur les Terres Yanomami, d’où ils continuent à propager la violence et de graves problèmes sanitaires et sociaux.

Massacres

La ruée vers l’or a entraîné la mort des Yanomami. C’est précisément en 1987 qu’ils ont été victimes du premier massacre. L’appel des peuples autochtones vise à ce que cette triste histoire ne se répète pas.

1987 - Serra Couto Magalhaes (RR) - TI Yanomami

Le 15 août 1987, des Yanomani et 150 orpailleurs campés dans les montagnes de Couto Magalhães se sont affrontés et 7 autochtones ont été tués. Des Yanomani se confrontent à 150 orpailleurs campant dans les montagnes de Couto Magalhaes. Les orpailleurs ont tué 7 autochtones et en ont blessé 47. Le groupe était armé de fusils. Les autochtones ont réagi aux tirs des mineurs. La Police militaire, l’Armée de terre et la Police fédérale se sont rendues sur place et les orpailleurs, ayant découvert beaucoup d’or, n’ont pas respecté l’ordre de quitter les lieux. Les conflits et les tensions perdurent.

1988 - Paapiú (RR) - TI Yanomami

Le 25 avril 1988, une confrontation entre des orpailleurs et des autochtones dans une grotte de la région de Paapiú, à Roraima, a entraîné la mort de 8 autochtones, selon les dossiers du CPT de l’époque. Il y a des divergences avec d’autres sources sur le nombre de décès, cependant le CEDOC du CPT a enregistré 8 décès autochtones.

1993 - Haximu (RR) - TI Yanomami

Le 1er août 1993 s’est produit ce que l’on a appelé le massacre d’Haximu. Ce massacre est le résultat des tensions liées à la ruée vers l’or qui a lieu depuis 1987 au Brésil, et notamment des conflits entre les chercheurs d’or brésiliens et le peuple Yanomami. Le nom du village est devenu mondialement connu après le massacre sanglant qui a tué 5 enfants et 5 adultes, dont des femmes et des personnes âgées de Haximu, surpris tôt un matin par un groupe d’orpailleurs lourdement armés.

2013 - Alto Alegre (RR) - TI Yanomami

Le 14 avril 2013, une fusillade entre tribus Yanomami a fait, selon la FUNAI, 5 morts et 7 blessés. Les autochtones de la région d’Alto Alegre (RR) ont à l’époque affirmé à la FUNAI qu’ils étaient armés par les orpailleurs en échange de permis d’exploitation illégale de l’or sur les Terres Indigènes qui avaient été envahies par au moins 1 600 hommes.

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