Le président brésilien a perdu la capacité de gouverner

 | Par Commission Arns

Le moment est grave. Il est temps de mettre un terme à ce « dégouvernement ». Aujourd’hui, il est nécessaire de parler à tous les Brésiliens, 210 millions de citoyennes et citoyens, peuple multi-ethnique et multiracial, dans sa diversité culturelle et politique. Il est temps de parler au peuple, détenteur et destinataire des orientations du pays.

En 2019, nous avons assisté au démantèlement des institutions et des structures de l’État au nom d’alignements idéologiques et de guerres culturelles. Depuis février dernier, avec l’arrivée de la pandémie sur notre territoire, au grand démantèlement se sont ajoutés les atteintes à l’ordre constitutionnel, à la démocratie et à l’État de droit. Elles ne peuvent pas être banalisées et encore moins normalisées.

Comme les scientifiques avaient prévenu, la Covid-19 trouverait au Brésil un terrain fertile à sa propagation : un pays continental avec d’énormes inégalités sociales, une concentration des revenus, un système de santé affaibli par les coupes et les plafonds budgétaires, des installations sanitaires de base précaires, des millions de Brésiliens vivant dans des quartiers, des communautés et des districts sans infrastructures, la destruction de l’éducation publique, le chômage d’environ 13 millions de personnes et une économie stagnante. Ajoutez à cela les caractéristiques de la pandémie actuelle - un virus à grande vitesse de transmission et aux symptômes graves, pour lequel il n’existe toujours pas de traitement efficace ni de vaccin.

Peut-être immunisé contre le virus, mais certainement indifférent à la souffrance humaine, le président de la République, Jair Bolsonaro, fait preuve d’un désintérêt notoire pour les Brésiliens, pour les regroupements à risques qu’il stimule, pour le retour prématuré au travail, pour un système de santé qui s’effondre aux yeux de tous et aussi pour le nombre de décès par la Covid-19, qui s’élève aujourd’hui à plusieurs milliers de cas - au sujet desquels, par ailleurs, il s’est déjà permis des ironies grossières et cruelles.

Mais la folie du Président ne s’arrête pas là. Alors que le pays traverse une terrible épreuve, Jair Bolsonaro enflamme les crises entre les pouvoirs. Dans le but d’entraver les enquêtes impliquant sa famille, il met en place des décrets administratifs. Il participe à des manifestations pour la fermeture du Congrès national et de la Cour suprême. Il manipule l’opinion publique, et même les Forces armées, en propageant l’idée d’un soutien inconditionnel des militaires comme un blindage pour justifier ses insanités. Enfin, le président cesse de gouverner pour se consacrer à l’exposition quotidienne de sa triste figure, dans des pantomimes familiales et des menaces putschistes.

Inquiet pour demain et sous le poids du deuil, le Brésil a besoin d’un gouvernement qui coordonne les efforts pour surmonter la crise, en commençant par écouter la voix venant des foyers, des personnes qui souffrent, partout. Il est impossible d’accepter un gouvernant qui n’écoute que des radicaux fanatiques, rancuniers et manipulateurs. Il est obsédé par l’exercice illimité du pouvoir, dans un régime militaro-milicien qui viole les règles démocratiques et même le sens de la décence de base.

Il ne reste plus qu’à souligner ce qui est déjà devenu évident : Jair Bolsonaro a perdu toutes les conditions pour l’exercice légitime de la présidence de la République, par son incapacité, sa vocation autoritaire et la menace qu’il représente pour la démocratie. En semant le trouble, l’insécurité, la désinformation et, surtout, en mettant en danger la vie des Brésiliens, sa destitution s’impose. La Commission Arns pour la défense des droits humains comprend que les forces démocratiques doivent rechercher d’urgence les moyens de parvenir à cet objectif dans le cadre de l’État de droit et dans le respect de la Constitution.

Signataires :

  • José Carlos Dias, président de la Commission Arns pour la défense des droits humains et ancien ministre de la Justice du gouvernement Fernando Henrique Cardoso (FHC),
  • Claudia Costin, ancienne ministre de l’Administration et de la réforme (gouvernement FHC),
  • José Gregori, ancien ministre de la Justice (gouvernement FHC),
  • Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances (gouvernement Sarney), ministre de l’Administration et de la Réforme de l’État et ministre des Sciences et des Technologies (gouvernements FHC),
  • Paulo Sérgio Pinheiro, ancien ministre du Secrétariat d’État aux droits humains (gouvernement FHC),
  • Paulo Vannuchi, ancien ministre des droits humains (gouvernement Lula), tous fondateurs et ici représentants de la Commission Arns.

Le 18 mai 2020

Voir en ligne : Nota Pública #17 - O presidente perdeu a condição de governar

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