Lettre des Peuples Autochtones au président du Tribunal Suprême Fédéral

 | Par APIB, Peuple Xokleng

Dans une lettre adressée au président du Tribunal suprême fédéral (STF), Luiz Fux, divers peuples autochtones demandent que le jugement de l’affaire de « répercussion générale » sur la démarcation des terres autochtones soit repris de toute urgence.

Le document a été déposé lors de la manifestation qui s’est tenue le 14 juin devant la Cour suprême et qui a rassemblé plus de 450 autochtones de différents peuples de toutes les régions du pays.

Le procès, qui avait commencé vendredi 11 juin à minuit dans la plénière virtuelle du Tribunal Supérieur Fédéral (STF), a été interrompu après un « pedido de destaque » [1], demande de mise en lumière faite par le juge Alexandre de Moraes. Ceci s’est produit quelques minutes après l’ouverture du vote virtuel.

Pour en savoir plus : Au Brésil, l’avenir des Terres Autochtones va être jugé par le Tribunal Supérieur Fédéral (STF).

Le statut de « répercussion générale » donné par le STF à l’affaire signifie que la décision prise servira de ligne directrice pour le gouvernement fédéral et toutes les instances du pouvoir judiciaire en ce qui concerne la démarcation des terres autochtones, en plus de servir à orienter les propositions législatives traitant des droits territoriaux des peuples autochtones.

La lettre est signée par le peuple Xokleng, qui est partie prenante du processus, et par divers peuples qui participent à la mobilisation à Brasilia. Dans cette lettre, les autochtones expriment leur inquiétude face aux atteintes à leurs droits constitutionnels, notamment ceux qui garantissent la délimitation de leurs terres, et à leurs territoires.

Lettre au Président du Tribunal Supérieur Fédéral

Monsieur le Président du Tribunal Supérieur Fédéral - STF, Juge Luiz Fux

RE 1017365 - Répercussion générale (Thème 1031)

Nous, le peuple autochtone Xokleng de la Terre Autochtone Ibirama La-Klãnõ, ainsi que les peuples qui campent à Brasilia/DF depuis le 8 juin, en harmonie avec tous les peuples autochtones du Brésil qui se manifestent dans leurs villages, avons suivi avec grande attention le début du procès de la RE 1017365 (Thème 1031), qui a été retiré de l’ordre du jour de la plénière virtuelle du STF sur demande du juge Alexandre de Moraes, le 11 juin. Nous sommes très préoccupés par le report du procès de cette affaire emblématique. Ceci parce que, malheureusement, des groupes politiques opposés à nos droits utilisent le STF, de mauvaise foi, pour tenter de justifier des attaques et des agressions à nos droits dans d’autres secteurs de l’État brésilien ainsi que dans nos territoires.

C’est, par exemple, le cas de ce qui se passe à la Chambre des Députés dans la procédure du PL 490/07 dont le contenu vise à supprimer nos droits territoriaux, durement gagnés en 1988, avec la promulgation de notre Constitution. La seule justification que le rapporteur adjoint, membre du front lobbyiste des grands propriétaires terriens, utilise pour tenter d’approuver un substitut à ce projet de loi au sein de la Commission de la Constitution, de la Justice et de la Citoyenneté (CCJC) repose sur la fausse information selon laquelle le STF aurait déjà décidé d’adopter le « seuil temporel » pour la démarcation de toutes les terres autochtones du Brésil et que le corps législatif ne ferait que réglementer cette décision du STF. Eh bien, Monsieur le juge Luis Fux, cela ne correspond pas à la réalité et l’existence même de l’RE 1.017.365 avec « répercussion générale » en cours au STF en est la preuve.

Malgré cela, le PL 490/07 a été inscrit à l’ordre du jour de la CCJC de la Chambre des députés sous la pression du front lobbyiste des grands propriétaires terriens au cours des dernières semaines et figure à nouveau à l’ordre du jour de la session du 15 juin de cette commission parlementaire, ce qui nous paraît particulièrement inquiétant. Nous sommes également à Brasilia pour lutter contre ce projet de loi 490/07.

En pratique, le projet de loi 490/07 vise à remplacer l’interprétation du STF en la matière et à saper la fonction institutionnelle de cette Cour suprême. Pour cette raison, il est nécessaire que le thème 1031 soit jugé immédiatement. Par conséquent, M. le Président, nous vous demandons sincèrement et respectueusement d’inscrire la RE 1.017.365 avec « répercussion générale » à la plénière du STF en urgence.

L’avis 763 du Bureau du Procureur général de l’Union (AGU) en est un autre exemple. S’appuyant également, par erreur ou par mauvaise foi, sur une supposée décision du STF, il interdit la continuité de toute procédure administrative de reconnaissance et de démarcation des Terres Autochtones au Brésil par le gouvernement fédéral. Cet avis de l’AGU cause à tous nos peuples un préjudice permanent et incalculable.

Nombre de nos territoires, même ceux déjà démarqués et régularisés, ont été attaqués et envahis sous la fausse justification que le STF aurait approuvé le « seuil temporel » donnant une légitimité aux invasions criminelles et violentes que nous subissons.

Dans cette optique, Monsieur le Président, nous demandons le jugement en urgence du Recours Extraordinaire n° 1017365, afin que cette Cour puisse donner une réponse positive et affirmative à nous, peuple Xokleng et à tous les peuples autochtones du Brésil.

Il convient de noter à cet égard que l’ACO 1100, qui traite également de la question territoriale du peuple Xokleng, sans le caractère de « répercussion générale », doit être jugée lors de la plénière virtuelle du STF entre le 18 et le 24 juin. Notre attente de la tenue du procès est grande ; immense est notre espoir que la décision nous sera favorable, garantissant notre droit dans le respect de la Constitution brésilienne.

En outre, Monsieur le Président du STF, nous espérons que cette Cour suprême confirmera la décision préliminaire du juge Luis Roberto Barroso concernant l’ADPF 709, dont le procès est en cours dans la plénière virtuelle de cette Cour suprême. L’expulsion des envahisseurs de nos terres est une obligation de l’Union et une condition fondamentale, nécessaire pour que nous puissions maintenir notre existence physique et culturelle avec le droit à la jouissance exclusive de nos terres.

Enfin, par notre présence, nous apportons le soutien et le respect de tous les peuples autochtones du Brésil à cette Cour suprême face aux attaques anti-démocratiques qui ont été faites contre cette institution et ses honorables membres. En même temps, nous exprimons notre espoir, notre confiance et notre attente que le STF garantisse la sécurité juridique et la justice, en maintenant le texte de la Constitution tel qu’il a été écrit en 1988, pour la démarcation de nos terres d’occupation originelle, sans aucune forme de « seuil temporel ».

Très respectueusement, telle est notre demande.

Le peuple Xokleng et les autres peuples autochtones du Brésil

Voir en ligne : Com direitos em risco e demarcações paralisadas, povos indígenas pedem que STF julgue repercussão geral

[1NdT : un « pedido de destaque » est une requête permettant d’interrompre le procès d’une affaire, et dans le cas en question, de le retirer de l’agenda pour être jugé en présentiel – modalité qui, pendant la pandémie, est organisée par visioconférence.

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