La Coordination des organisations indigènes de l’Amazonie brésilienne (COIAB) rejette fermement la loi 1.453 récemment adoptée et publiée le 8 février au Journal Officiel de l’État de Roraima.
Cette loi, manifestement anticonstitutionnelle, prévoit l’octroi de licences à l’exploitation minière dans cet État ainsi que d’autres dispositions, à savoir qu’elle légalise l’extraction minière et l’utilisation du mercure, mettant ainsi gravement en danger les rivières, forêts, lacs, cours d’eau et diverses autres ressources naturelles que nous utilisons sur nos territoires.
Une fois de plus, l’Amazonie est livrée à ceux qui cherchent à l’exploiter de manière prédatrice sans tenir compte de la vie des populations autochtones et traditionnelles, de la biodiversité, des effets du changement climatique et d’un débat équitable et transparent sur l’environnement brésilien.
En plus d’aggraver la qualité de vie dans nos territoires, l’orpaillage est l’un des principaux pollueurs des fleuves amazoniens et contribue à la destruction de la biodiversité locale. Depuis des décennies, les peuples autochtones dénoncent ces activités minières illégales dans les territoires indigènes.
Nous considérons que la loi 1.453 est inconstitutionnelle car elle est en opposition flagrante avec plusieurs articles de notre Constitution. Elle va à l’encontre, par exemple, de l’article 23, qui traite de la compétence commune des entités fédérées pour la protection de l’environnement. En outre, cette loi ne respecte pas l’article 24, qui prévoit que l’Union a compétence pour établir les normes générales de protection et de responsabilité en cas de dommages causés à l’environnement. De plus, elle s’oppose à l’article 225, qui garantit le « droit fondamental à un environnement écologiquement équilibré et le devoir de l’État de promouvoir sa défense et sa protection pour les générations présentes et futures ».
Cette loi est également anticonstitutionnelle parce qu’elle n’exige pas d’étude préalable, autorise l’utilisation du mercure, prévoit l’exploitation de zones allant jusqu’à 200 hectares et permet l’utilisation de lourds engins pour cette activité. L’ensemble de ces facteurs constitue un scénario de tragédie prévisible, qui entraînera une augmentation de la violence contre les peuples autochtones de l’Amazonie, à savoir les invasions des zones protégées, les Terres indigènes, et la dégradation des ressources naturelles.
Par ailleurs, l’adoption de la loi 1.453 s’est faite dans la précipitation et sans débat public sur la question - le projet de loi a été présenté à l’Assemblée législative de Roraima le 22 décembre, il y a moins de deux mois. Comme l’a rappelé le Ministère public fédéral (MPF), qui enquête sur la légalité de l’approbation de la loi 1.453/2021, il est de la compétence exclusive de l’Union de légiférer sur la prospection minière.
Ce projet de loi fait partie d’un vaste ensemble d’attaques qui sont perpétrées par des agents publics, ces dernières années, contre les ressources naturelles du Brésil et n’est nullement un cas isolé. Il suffit de se souvenir du projet de loi 191/2020, actuellement examiné par la Chambre des députés, à Brasília, qui prévoit la légalisation de l’exploitation minière et de l’orpaillage sur les Terres indigènes. Dans d’autres États amazoniens, il existe des projets de loi de même teneur.
Nous considérons également que l’approbation d’un projet de cette nature en pleine pandémie de Covid-19, c’est aggraver un scénario de calamité et de violence publiques dans lequel nous, les peuples autochtones amazoniens, sommes plus vulnérables sur nos terres. Les estimations montrent qu’aujourd’hui, plus de 20 000 orpailleurs travaillent illégalement sur la Terre indigène Yanomami, à Roraima - et ce peuple est l’un des plus touchés par les effets du coronavirus. La Terre indigène Raposa Serra do Sol compte plus de 2 000 orpailleurs, et l’approbation de cette loi encourage l’invasion en mettant en danger la vie des peuples autochtones concernés.
Pour toutes ces raisons, la COIAB demande le retrait IMMÉDIAT de la loi 1.453 afin de prévenir une nouvelle menace pour la vie des peuples autochtones, des populations traditionnelles et du patrimoine naturel de notre pays - au risque de causer des dommages irréparables aux ressources naturelles et à la vie de toute l’Amazonie.
Manaus, le 10 février 2021