Campagne de l’articulation des peuples autochtones du Brésil
Trente ans après l’adoption de la Constitution fédérale de 1988, qui respecte l’identité culturelle des Peuples Autochtones et le droit aux terres qu’ils occupent traditionnellement, nous continuons de subir des menaces. La plus récente, engagée par le nouveau gouvernement de Jair Bolsonaro, est venue avec la mesure provisoire (MP) n ° 870/2019 et les décrets signés par le président pour réorganiser la structure et les compétences ministérielles qui ont délibérément laissé de graves lacunes dans les instruments et les politiques socio-environnementales. Avec la MP 870, le Président transfère au ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement (Mapa) l’identification, la délimitation, la reconnaissance et la démarcation des terres autochtones (TI), en vidant de ses fonctions la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI).
Ces dernières années, la conjoncture politique et économique a imposé un rythme de développement au pays où l’Amazonie et le Cerrado [1] jouent un rôle important de « moteur de l’économie ». Les projets de grandes infrastructures et la frontière agricole s’étendent rapidement sur la forêt et la savane, piétinant la biodiversité, les zones protégées, ignorant les droits et affectant considérablement la qualité de vie des communautés locales. Du conflit foncier lié au manque historique de gouvernance dans ces régions résultent des impacts négatifs qui se sont incrustés au cœur de la plus grande forêt tropicale du monde. Cette situation a permis d’assouplir ou de réinterpréter différents aspects de la législation environnementale, réduisant ainsi la protection de nos écosystèmes et portant atteinte aux droits constitutionnels des Peuples Autochtones et des communautés locales.
De fait, le gouvernement brésilien montre sa tendance à continuer de céder aux souhaits du lobby de l’agro-négoce. La nouvelle ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina, représente les intérêts de l’industrie agroalimentaire du Mato Grosso do Sul, un état propice aux processus de démarcation plus complexes en raison de conflits fonciers. De ce fait, il est très probable que le processus d’identification et de démarcation des terres autochtones sera ralenti et que les barrières qui empêchent la déforestation se délitèrent. Il est également difficile de déterminer qui sera responsable de l’intégrité des terres autochtones, qui appartenaient auparavant à la FUNAI. L’organisme, auparavant subordonné au ministère de la Justice, est maintenant contrôlé par le ministère de la Femme, de la Famille et des Droits de l’homme, dirigé par la ministre conservatrice et pasteur évangélique Damares Alves.
Le non-respect des droits constitutionnels de ces peuples touche des questions telles que la déforestation, l’invasion d’aires protégées, le travail esclave, l’exploitation forestière illégale, l’exploitation minière, la perte de biodiversité, les conflits fonciers, la violence et les meurtres en zone rurale. Il est bon de rappeler que le Brésil est le pays le plus dangereux pour les militants du droit à la terre et de l’environnement : en 2017, au moins 207 dirigeants autochtones, activistes communautaires et environnementalistes ont été assassinés dans le monde entier afin de protéger leurs maisons et leurs territoires des effets de l’exploitation minière, de l’agroalimentaire et d’autres activités qui menacent leur mode de vie, selon l’ONG britannique Global Witness. Le Brésil était le pays le plus meurtrier pour ceux qui mènent ces combats, avec 57 meurtres. De plus, ces dernières années, la criminalisation des dirigeants autochtones s’est intensifiée du fait de leur lutte pour les droits, en particulier dans le nord-est et le sud du pays.
Les terres autochtones (TI) appartiennent à l’Union et les Peuples Autochtones ont la propriété permanente et un usage exclusif des richesses de leur sol, de leurs rivières et de leurs lacs. Il est du devoir de l’Etat de les protéger. Cependant, même après leur démarcation, ces territoires ne sont pas exempts de menaces. La TI Karipuna, dans l’état de Rondônia, ratifiée en 1998, compte plus de 10 000 hectares de forêts détruits en raison de l’abattage illégal. La TI Arara, également dans le Pará, vient d’être envahie par des bûcherons. Dans d’autres régions du pays, où les gens attendent la démarcation de leur territoire sacré, la situation est encore plus grave. À Bahia, par exemple, 490 familles autochtones Tuxá ont été surprises en novembre par la décision d’un tribunal d’évacuer immédiatement le territoire de Surubabel ou Dzorobabé, traditionnellement occupé par cette communauté.
La démarcation des terres autochtones représente une garantie de protection pour la forêt et les peuples qui en dépendent. La terre est la base de l’habitat d’un peuple et la durabilité de ses richesses naturelles assure la reproduction physique et culturelle des Peuples Autochtones.
L’Articulation des Peuples Autochtones du Brésil (APIB) lance cette semaine la campagne « Sang autochtone : pas une seule goutte de plus », dans le but de mobiliser la société pour les droits des Peuples Autochtones. « L’idée est de rassembler diverses activités organisées par le mouvement autochtone et ses partisans dans un programme de mobilisation de #JaneiroVermelho », a déclaré Sonia Guajajara, coordinatrice de l’APIB.
Organisez votre térritoire. Connectez vos réseaux. La lutte des Peuples Autochtones est permanente ; elle a besoin de votre soutien : organisez des cercles de rencontres, des débats, produisez du matériel ... Prenez part à la campagne en ajoutant vos activités à celles de #JaneiroVermelho.
#JaneiroVermelho #DemarcaçãoJA