Au lieu de maintenir les conventions de service, il sera obligatoire d’organiser des appels d’offres pour les entreprises publiques et privées, ce qui pourrait conduire, en moins de deux ans, à la privatisation de la plupart des services d’assainissement du pays. Cela signifie que, si la privatisation était auparavant une possibilité dans le cadre de la législation sur l’assainissement, elle est désormais devenue une obligation en vertu du nouveau cadre juridique. Les entreprises publiques ne pourront renouveler les conventions qu’à la condition de prouver leur viabilité financière et technique de gestion des services sur 30 ans. La nouvelle loi détermine également que l’Agence nationale de l’eau (ANA) devient seule responsable des normes de référence pour la réglementation des services d’assainissement, y compris en ce qui concerne la progressivité des tarifs pour toutes les factures d’eau.
En plus de cette nouvelle loi, il y a aussi la proposition de créer des marchés de l’eau, par le biais du PL (Projet de loi) 495/17, en cours de discussion au Sénat, qui vise à privatiser le projet de transposition du fleuve São Francisco et des autres bassins hydrographiques, ainsi que, la vente éventuelle d’Eletrobras (Compagnie publique d’énergie) et la concession de 47 lacs hydroélectriques.
Dans le secteur électrique, l’approbation du mécanisme de séparation des eaux en ballast et énergie est également en discussion. Ce mécanisme imposera un prix à l’eau des réservoirs et liera le prix de l’eau au prix de l’énergie, conférant, à ce qui n’est pas monétisée à ce jour, une valeur potentielle de l’eau pour la production d’électricité. En buvant de l’eau, nous paierons comme si nous buvions de l’électricité.
Mais quelle est la relation entre toutes ces initiatives ? Tout cela fait partie d’une vaste stratégie du capital qui vise à transformer dans tout le pays l’eau en marchandise ; à en faire propriété privée.
En ce sens, l’approbation du PL 4.162 symbolise non seulement une énorme perte de notre souveraineté, en tant que peuple brésilien, mais aussi une plus ample possibilité de faire avancer tous les autres agendas néolibéraux, en instance au Congrès, qui touchent à l’application de la stratégie du capital sur la totalité de l’eau existante au Brésil.
Transposition du San Francisco
La transposition du fleuve São Francisco, également appelée « Projet d’intégration des bassins », est annoncée depuis de nombreuses années comme l’une des principales solutions au problème du manque d’accès à l’eau dans le Nord-Est. Son principal objectif est de relier les eaux du Velho Chico, surnom populaire du fleuve São Francisco, dans l’Etat de Pernambuco (PE), aux eaux des États de Ceará (CE), de Rio Grande Norte (RN) et de Paraíba (PB).
Il s’agit d’un gigantesque projet d’infrastructure selon deux axes qui captent les eaux du São Francisco pour élever mécaniquement l’axe nord de Cabrobó - PE, de 188 mètres sur 400 km, l’axe Est étant à 332 mètres de haut sur 217 km, sans parler des dizaines de kilomètres que les eaux doivent parcourir dans les bassins récepteurs respectifs. Tout cela est maintenant menacé de devenir l’affaire privée de grandes multinationales.
Une partie de cet immense ouvrage doit être inaugurée ce vendredi (26), dans la région frontalière entre les États de Pernambuco et de Ceará, par Jair Bolsonaro, qui s’en est pris de manière irrespectueuse et néofasciste aux habitants du Nord-Est et a encouragé l’émergence de nouveaux cas de covid-19 au Brésil, en ignorant totalement les protocoles techniques et les directives des agences sanitaires. Il est donc indigne d’inaugurer un tel ouvrage, celui-ci, peut-être d’envergure historique et stratégique, pour le Nord-Est du pays.
Selon le dernier recensement, la région Nord-Est compte plus de 57 millions d’habitants sur un total de neuf États. Elle se caractérise par un climat chaud et sec, la plus grande partie étant semi-aride, avec peu de variation de température au cours de l’année. C’est donc l’une des régions du Brésil où la distribution, l’accès à l’eau et à l’assainissement sont les plus faibles.
Transporter de l’eau pour en assurer l’accès (ou la consommation) dans des endroits éloignés et secs du Nord-Est a toujours été une promesse et un beau rêve pour les habitants de cette région. Il existe toutefois aujourd’hui de nombreuses contradictions, des conflits et disputes autour de l’eau provenant de la transposition du fleuve São Francisco qui doivent être examinés de plus près. Si, d’un côté, la transposition peut être la solution pour que les gens qui travaillent aient accès au droit à l’eau, de manière digne et complète comme promis, d’un autre côté, si le PL 495/17, également rédigé par le sénateur Tasso Jereissati (PSDB-CE) est approuvé, cela peut aussi devenir, pour le capital, la manière de réaliser ses plans.
Le marché de l’eau
Le PL 495, en cours de discussion au Sénat, établit la nécessité de créer des marchés de l’eau dans les bassins hydrographiques brésiliens, sous prétexte que c’est le moyen d’avoir une allocation efficace des ressources en eau. Dans le projet, le bassin du fleuve São Francisco est cité comme territoire potentiel pour la création de marchés de l’eau, en raison des cas récurrents de conflits pour l’utilisation des ressources en eau dans le Nord-Est qu’il présente.
Selon nous, la création d’un marché de l’eau permet à de grands groupes économiques, qui opèrent à la fois dans l’agroalimentaire, le secteur électrique, les mines et l’assainissement, tels que : Ambev, Vale, Suez, Coca-Cola, BTG Pactual, Itaú, AEGEA, BRK Ambiental, de contrôler et de s’approprier, à titre privé, les rivières et les eaux souterraines du Brésil, par ce qu’ils appellent « la négociation sur le droit d’utiliser les réserves d’eau disponibles ».
En pratique, il s’agira de faire de l’eau une propriété privée. Le « surplus » d’eau, c’est-à-dire l’eau qui n’est pas utilisée pour la production d’électricité, peut être vendue sur le marché libre par l’entreprise elle-même, ce qui crée un marché pour l’achat et la vente d’eau en période de pénurie et de sécheresse.
Si cela se produit, au lieu de garantir l’accès universel à l’eau, ce qui se passera, c’est l’interdiction d’accès et l’exclusion totale du droit à l’eau pour la population. Les gens n’auront plus accès gratuitement à aucune source d’eau dans les rivières, les lacs et les barrages, et les tarifs de l’eau vont exploser car, outre la privatisation des services d’assainissement, le prix à facturer pour le m³ d’eau sera mesuré en fonction du prix de l’électricité appliqué par le marché, ce qui entraînera une plus grande sécheresse et une augmentation du coût de la vie pour la population.
Et c’est ainsi qu’augmenteront également la destruction de sources et de rivières entières, la déforestation des régions riveraines et des zones de préservation, en plus de la perte de souveraineté du pays, avec la remise des biens du peuple brésilien aux mains des sociétés transnationales, des banques et des fonds d’investissement internationaux, c’est-à-dire que l’eau passera sous le contrôle du capital financier.
Nous comprenons ainsi qu’il est nécessaire de renforcer la lutte contre toute forme de privatisation de l’eau, qu’il s’agisse de la privatisation du secteur de l’assainissement ou des rivières et des aquifères brésiliens.
L’eau appartient au peuple ; c’est un patrimoine brésilien qui devrait être un droit de l’humanité toute entière et non une ressource à commercialiser répondant aux intérêts du capitalisme.
Le MAB - Mouvement des personnes affectées par les barrages réaffirme : la privatisation de l’eau est mauvaise pour le Brésil !