Lisez et signez le manifeste du Front des organisations de la société civile brésilienne contre l’Accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne en portugais :
Pour le Front contre l’accord Mercosur - Union européenne et l’Association européenne de libre-échange - Mercosur
Réunies au sein d’un Front, 106 entités de la société civile brésilienne signent un manifeste contre l’Accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. Dans ce document, elles appellent le Congrès national à promouvoir un large débat sur les impacts que l’Accord pourrait entraîner dans les domaines socio-économique, professionnel, foncier, territorial, environnemental et climatique ainsi que sur les droits des peuples autochtones et des communautés traditionnelles, des travailleurs urbains, des femmes, des paysans et agriculteurs de cultures vivrières.
La France doit refuser l’accord de libre-échange UE-Mercosur Par un collectif, de personnalités politiques et associatives françaises et brésiliennes — 27 juillet 2019
Depuis des années, des processus de résistance sociale aux accords commerciaux avec le Mercosur - composé du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay - ont été mis en place. Qui se souvient de la “Campagne contre la Zone de libre-échange des Amériques (ALCA)” ? Ce fut un mouvement important dans les années 2000, mené par la société civile sur tout le continent américain, qui a entraîné l’affaiblissement de l’influence des États-Unis d’Amérique dans la région. Cependant, nous sommes en 2020 et la région se trouve dans un autre moment politique, économique et social.
Dans le cas du Brésil, nous vivons un moment de crise économique et de régression démocratique et environnementale, de fermeture des espaces de participation sociale et de criminalisation de la société civile. Compte tenu de ce contexte politique défavorable, le document dénonce le fait que l’Accord d’association a été négocié par les gouvernements des pays du Mercosur sans aucun mécanisme de transparence, sans présentation d’études d’impact et sans dialogue avec les secteurs concernés, la société civile ou encore les milieux universitaires. Il souligne également qu’en échangeant des matières premières agricoles et minérales contre des produits industrialisés à plus forte valeur ajoutée, l’Accord contribue à l’approfondissement de la désindustrialisation, à la reprimarisation de l’économie, à l’évasion de devises et à la fraude fiscale dans les pays du Mercosur.
La publication de ce document intervient alors que l’Accord est en attente de signature et de ratification par les pays qui composent les deux blocs, alors même que le gouvernement brésilien est exclu des espaces de débat sur le climat en raison de sa politique anti-environnementale.
Voilà précisément la question qui est l’une des principales critiques du document. Selon les entités qui composent le Front, l’Accord contribue à la dévastation des biomes et des régions du Brésil. En effet, l’Accord prévoit la libéralisation de 96 % du volume des transactions agricoles et de 77 % des lignes tarifaires du Mercosur. Par l’élimination des droits de douane pour le soja, comme dans le cas de l’Argentine, la réduction des barrières tarifaires et la hausse des quotas d’importation pour la viande, le poulet et l’éthanol, par exemple. Par ailleurs, aucun mécanisme contraignant est prévu pour sanctionner les impacts environnementaux qui pourraient en découler, comme l’augmentation de la déforestation illégale. Cela semble très contradictoire avec la manière dont l’Accord est présenté, dans la mesure où, actuellement, seuls 13% du soja importé dans l’Union européenne sont considérés exempts de déforestation environnementale et disposent de moyens pour retracer l’origine des investissements et des importations en Europe. L’actuelle politique environnementale du gouvernement brésilien a également été critiquée par les membres du Parlement européen qui sont opposés à l’Accord.
Le document du Front brésilien contre l’Accord Union Européenne-Mercosur souligne que
" dans une période où la crise et la récession sont déjà installées dans le Mercosur, et toujours face aux défis imposés par la pandémie, approuver un accord asymétrique qui reproduit la logique coloniale des éternels fournisseurs de matières premières et importateurs de biens industrialisés serait un véritable désastre ".
Il souligne également que dans le secteur des services, l’Accord transforme le droit d’accès aux services essentiels tels que l’eau, l’énergie, l’assainissement, la santé et l’éducation et stimule leur privatisation.
Le manifeste souligne également que l’Accord encourage l’expansion du modèle de biotechnologie agricole basé sur l’utilisation extensive de produits agrochimiques, qui a battu des records en matière d’approbation de nouvelles licences au Brésil ces dernières années. En outre, cela a un impact sur les politiques fondamentales pour l’agriculture vivrière et paysanne comme le Programme d’acquisition de denrées alimentaires (PAA) et le Programme national d’alimentation scolaire (PNAE), ayant un impact profond pour les femmes, puisque la plupart des fournisseurs de ces programmes sont des agricultrices.
Au final, le document indique que
"les résultats attendus de cet Accord sont si peu prometteurs qu’en Europe, les gouvernements, les parlementaires et la société civile organisée s’interrogent de plus en plus sur son approbation. Dans les pays du Mercosur, cependant, le soutien des gouvernements à l’Accord semble tacite et montre l’absence de recherche de véritables alternatives d’intégration. Au Brésil, en particulier, le gouvernement de Jair Bolsonaro tente de clore l’Accord pour obtenir une victoire dans le domaine de la politique étrangère et pour satisfaire les intérêts de secteurs d’affaires peu engagés envers le pays".