Pour ses 40 ans, le MST publie une lettre d’engagement pour la lutte et le peuple brésilien

 | Par Mouvement Sans Terre - MST

Le samedi 27 janvier, le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) a publié la "Lettre d’engagement du MST pour la lutte et le peuple brésilien". Divulguée à l’issue de la réunion de la Coordination nationale du mouvement, la lettre a été présentée lors de l’Acte politique commémorant le 40ᵉ anniversaire de l’organisation.

« Nous réaffirmons l’engagement que nous avons pris il y a quarante ans : nous lutterons jusqu’à ce que les maux des latifundia disparaissent de notre société et, avec eux, l’oppression, la misère, la destruction de l’environnement et la faim », précise un extrait de la lettre.

Le document souligne également les défis que doit relever le Mouvement pour défendre les biens de la nature et organiser le 7ᵉ Congrès national du MST qui se tiendra en juillet prochain.

Infra, la lettre dans son intégralité

LETTRE OUVERTE DE L’ENGAGEMENT DU MST POUR LA LUTTE ET LE PEUPLE BRÉSILIEN

Quarante ans après que des femmes et des hommes, des travailleurs ruraux, ont eu l’audace et le courage de défier les latifundia et de créer le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre, nous, membres de la Coordination nationale du MST, nous sommes réunis dans notre École nationale Florestan Fernandes à Guararema (SP).

Nous nous sommes réunis pour célébrer notre ancestralité autochtone, africaine et paysanne, issue de tant de luttes historiques du peuple brésilien, et pour célébrer la longévité de notre organisation.

Nous nous sommes réunis pour célébrer la conquête de la terre. Nous sommes 450 mille familles installées et plus de 65 mille familles vivant dans des campements. Dans les territoires libérés des grilles de l’ignorance et de la misère, nous avons organisé des centaines de coopératives, des agro-industries et des écoles rurales. Nous célébrons la dignité de celles et ceux qui produisent aujourd’hui des aliments et protègent notre maison commune, la Terre Mère.

C’est cette dignité et cette fierté qui inspirent la lutte pour la Réforme agraire populaire pour faire face à la violence des milices rurales ainsi qu’à la lenteur de l’État, sans jamais reculer, ayant la ferme décision d’appliquer la Constitution brésilienne : la terre doit être démocratisée pour remplir sa fonction sociale de générer une vie digne pour la population paysanne, de produire des aliments sains et de préserver la nature.

Nous célébrons l’organisation des travailleurs et travailleuses qui ont fait face avec courage et détermination au coup d’État de 2016, aux reculs des droits acquis et au mépris de l’humanité du gouvernement Bolsonaro lors de la pandémie de Covid-19. En résistant activement dans les campements et les assentamentos, en construisant la Réforme agraire populaire, nous avons priorisé la vie, renforcé les actions de solidarité et les mobilisations populaires dans l’ensemble du pays.

Cette organisation a joué un rôle décisif dans l’élection du président Lula et sa victoire électorale a constitué un moment important dans la lutte internationale contre l’offensive de l’extrême droite. Nous avons construit cette victoire et y avons participé. Et nous soutenons toutes les initiatives du gouvernement pour lutter contre la faim, la pauvreté, le chômage et pour la réindustrialisation du pays sur de nouvelles bases durables. Le président Lula est confronté à de nombreux défis et obstacles et il sait que seules la mobilisation et la participation populaires peuvent entraîner les changements structurels dont notre société a désespérément besoin.

Au cours de ces quatre décennies, nous avons dû faire face à d’innombrables tentatives de criminalisation de la lutte sociale. Aucune organisation n’a subi autant de menaces de la part des commissions parlementaires mises en place par les forces conservatrices. Nous nous réjouissons et sommes reconnaissants de la solidarité que nous avons reçue face à la tentative de criminalisation menée par les lobbyistes parlementaires des propriétaires terriens et l’extrême droite, qui ont ouvert une CPI contre le MST et qui ont également cherché à intimider le gouvernement Lula.

Nous sommes préoccupés par l’escalade des conflits dans les campagnes, marquée par la criminalisation et l’assassinat de leaders quilombolas, autochtones et paysans Sans Terre dans tout le pays.

Des initiatives telles que « Zero Invasion » encouragent l’escalade de la violence de la part des milices de propriétaires terriens et des secteurs de l’agronégoce pour défendre une société arriérée et l’un des taux de concentration des terres les plus élevés au monde. Nous sommes solidaires des familles de celles et ceux qui sont morts dans la lutte pour la terre, pour la défense des biens de la nature et la reconnaissance de leurs territoires.

En promouvant la mort, le groupe parlementaire lobbyiste des propriétaires terriens a approuvé la dissémination effrénée de pesticides, s’est attaqué aux terres autochtones, a injecté de l’argent dans de fausses solutions à la crise climatique et a financé la tentative de coup d’État du 8 janvier 2023.

Nous sommes préoccupés par le fait que la première année du gouvernement de Lula s’est terminée avec le même nombre de familles vivant dans des campements qu’au début de son mandat. Il existe de nombreuses possibilités pour résoudre cette question, à condition que le gouvernement soit déterminé à s’attaquer à l’accaparement des terres et à la concentration agraire qui ont historiquement caractérisé la structure foncière du Brésil.

Cela nécessite également de doter le ministère du Développement agraire et l’Institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA) d’un budget capable de relancer les politiques publiques de réforme agraire en 2024 et de mettre en place des conditions réelles pour structurer et renforcer l’organisation de celles et ceux qui produisent des aliments sains, prennent soin de la nature et promeuvent la justice sociale.

La Réforme agraire est une action structurante et stratégique pour lutter contre les différents problèmes économiques et sociaux de notre pays, tels que la destruction de la nature, la déforestation et l’exploitation minière illégale, la faim qui dévaste la vie de millions de personnes et la concentration des revenus et du pouvoir.

C’est pourquoi nous nous engageons à continuer à lutter pour la démocratisation de l’accès à la terre, à protéger les biens de la nature et à garantir les droits des peuples et des communautés rurales, des eaux et des forêts à exercer leur autonomie sur leurs territoires.

Nous réaffirmons notre engagement envers le peuple brésilien et la construction d’un pays plus juste et plus égalitaire à travers la lutte et la construction de la Réforme agraire populaire. Au-delà de la démocratisation de la terre, pour nous, la réforme agraire doit produire des aliments sains pour nourrir tout le peuple brésilien, protéger les biens communs de la nature et construire une vie digne dans les campagnes.

Nous nous engageons à lutter contre la crise climatique créée par les pays du Nord, les riches, les transnationales polluantes et l’agronégoce. Nous nous engageons à préserver les biens communs de la nature, à maintenir notre objectif de planter 100 millions d’arbres et à exiger des gouvernements qu’ils s’engagent en faveur de la Déforestation Zéro et d’une politique de reforestation massive.

Nous nous engageons à lutter contre toutes les formes d’oppression et d’injustice, à affronter sans relâche toutes les formes de racisme, de discrimination et de LGBT phobie. Nous sommes solidaires et ne nous tairons pas face au génocide du peuple palestinien à Gaza, perpétré par l’État d’Israël et les États-Unis, ni face à l’emprisonnement illégal de Julian Assange, militant pour la démocratisation de l’information et dénonciateur des crimes de guerre commis par les États-Unis.

Enfin, nous réaffirmons l’engagement que nous avons pris il y a quarante ans : nous lutterons jusqu’à ce que les maux des latifundia soient éradiqués de notre société et, avec eux, toute oppression, misère, destruction de l’environnement et faim.

Nous voulons réaffirmer ces engagements dans notre lutte quotidienne, mais surtout lors de notre 7ᵉ Congrès national, qui se tiendra en juillet de cette année à Brasilia (DF).

Nous invitons le peuple brésilien à célébrer notre culture et notre production et à en savoir plus sur l’actualisation de notre programme de Réforme agraire populaire et sur ce que nous proposons pour construire une ruralité et un pays où l’on vive dignement et sainement !

Vive le peuple brésilien ! Vive la lutte populaire !
Lutter, construire la Réforme agraire populaire !
Vers le 7ème Congrès National du MST !

Voir en ligne : MST lança carta compromisso com a luta e o povo brasileiro no marco de seus 40 anos

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