Le sentiment d’insécurité et la peur de la violence sont des sentiments communs à la plupart des habitants du Grand Recife. Comprendre l’ampleur de cette violence est le défi de Fogo Cruzado [1], un institut qui, depuis quatre ans, produit des données sur la violence armée dans la région métropolitaine de Recife. Nous avons commencé à travailler ici en avril 2018, et depuis lors, nous avons cartographié plus de 6 000 fusillades, qui ont fait plus de 4 600 morts. Les chiffres sont très élevés et justifient cette crainte. S’il n’existe pas de plan gouvernemental permettant d’obtenir de bons résultats en matière de sécurité publique, nous devons agir.
Nous avons commencé à cartographier les fusillades dans la région métropolitaine de Recife en 2018 parce que nous voulions comprendre, grâce aux données, la dynamique de la violence armée dans la région.
- Qu’est-ce qui différencie le Grand Recife des autres métropoles brésiliennes ?
- Qu’est-ce qui est semblable ?
- Qu’est-ce qui a fonctionné dans d’autres endroits et qui peut également fonctionner ici ?
Nous avons découvert, par exemple, que de nombreux décès par arme à feu se produisent à l’intérieur de la maison. Au cours de ces quatre années, 784 personnes ont été abattues dans ce qui devrait être le lieu le plus sûr, leur maison. En analysant ces informations, il a été possible de constater que ces balles ont une cible bien définie, généralement résultant de règlements de comptes ou d’exécutions par tueurs à gages. Nous avons également remarqué que le nombre de fusillades à l’intérieur des prisons est affolant. Il y a eu 23 fusillades et 61 personnes abattues au cours des quatre dernières années.
- Comment ces armes sont-elles arrivées là ?
- Comment une personne peut-elle tirer sans aucune difficulté à l’intérieur d’une prison ?
L’année dernière, des armes à feu ont été utilisées dans plus de 80 % des homicides commis dans l’État. Mais le Secrétariat à la défense sociale ne dispose pas d’une base de données contenant des détails sur les armes saisies – alors que cela était prévu par le Pacte pour la Vie [2] lorsque le programme a été institué en 2007. Et vous savez quel a été l’impact de ce pacte ? Il n’est toujours pas possible de savoir qui a tué qui, avec quelle arme, si cette arme a été utilisée dans d’autres crimes, d’où elle provient. L’usage et la circulation de ces armes doivent être suivis afin de pouvoir élucider les crimes et cartographier les événements. L’absence de ces informations rend difficile la lutte contre la violence.
S’ajoutant à cela, l’année dernière, la police civile a découvert que plus de 300 armes et des milliers de munitions avaient été volées dans l’entrepôt de la Coordination des ressources spéciales (Core) à Recife. Selon l’enquête, celles-ci ont été vendues à des trafiquants de drogue. En d’autres termes, les armes de la police pourraient tuer des gens dans la région. Il est nécessaire de maintenir un contrôle strict des armureries de la police et d’enquêter sur ces détournements.
Tandis que l’accès aux armes a été facilité, les mécanismes d’inspection et d’enquête, eux, n’ont pas été améliorés
Le Pacte pour la vie, plein de promesses à sa création en 2007, s’est étiolé au fil des années. Le programme du gouvernement de l’État qui avait pour objectif la réduction des homicides n’est plus en vigueur. C’est le cas de nombreux programmes qui ne sont pas construits comme projets d’État, mais comme projets d’un gouvernement. Un nouveau gouvernement arrive au pouvoir et le projet est abandonné.
Depuis près d’une décennie, les régions du Nord et du Nord-Est, qui ne regroupent que 35 % de la population brésilienne, sont responsables de plus de la moitié des morts violentes dans le pays - la plupart d’entre elles perpétrées avec des armes à feu. Cela montre l’ampleur du problème de la sécurité publique. Impuissante, la population du Nord-Est ne peut que constater qu’année après année, les États de cette région sont ceux qui progressent le plus dans le classement des décès par arme à feu. La région est en tête de cet indice (37 % du total), et dépasse le Sud-Est [3] en chiffres absolus depuis 2009.
Le contexte du développement de la violence dans l’État du Pernambouc est difficile : les agents de la police civile manifestent pour obtenir une reconnaissance et de meilleures conditions de travail et les commissariats ont même fermé plus tôt dans la journée par manque de professionnels et de structure, ce qui génère une sous-déclaration des rapports et des plaintes pour crimes. Profitant de cette brèche, des groupes armés prennent le contrôle de régions entières. A Cabo de Santo Agostinho, il y a même eu une période de couvre-feu, l’année dernière. Cette année n’est pas très différente : 2022 a déjà commencé avec la mort d’un garçon de 9 ans, fils d’un leader rural, assassiné par balles par des hommes cagoulés dans la Mata Sul. Le procureur à la tête du Groupe de lutte contre le crime organisé qui a enquêté sur le crime, a déclaré que "c’est une action typique des activités des groupes d’extermination et des tueurs à gage"
Tout ce scénario d’échec de la sécurité publique s’explique en grande partie par le manque de transparence dans la gestion de la sécurité publique. C’est ce qui a motivé l’ouverture d’une antenne de Fogo Cruzado dans l’État du Pernambouc. En 2017, la divulgation quotidienne du nombre d’homicides, des informations telles que le nom, l’âge et la couleur de peau des victimes dans l’État, a cessé. Depuis lors, seul un bulletin mensuel indiquant le nombre de décès par ville est publié. Le ministère public a alors commencé à enquêter sur le manque de transparence et cette enquête est toujours en cours.
Ce vide stratégique dans la production et la diffusion des données montre que nous devons agir. Les données sur la violence armée, en particulier, n’étaient pas publiées – et cela pas seulement dans le Pernambouc. Ces données nous donnent davantage d’informations sur les dynamiques du crime que l’analyse des homicides elle-même, en raison de leur agilité et de la possibilité d’analyse sur des périodes plus courtes.
En tant que membres de la société, nous pouvons faire ce travail, produire les informations dont nous avons besoin pour que les autorités assument véritablement leur responsabilité. C’est la clé de l’efficacité.