Brasília (Brésil) / San Francisco (États-Unis), le 27 octobre 2020 - Un réseau de financement international complexe est directement lié aux entreprises impliquées dans les violations des droits des autochtones et dans les conflits sur leurs territoires au Brésil, comme le montre un rapport inédit publié aujourd’hui par l’Articulation des peuples indigènes du Brésil (APIB) et Amazon Watch.
Le rapport « Complicité dans la destruction III : Comment les entreprises mondiales contribuent aux violations des droits des peuples autochtones de l’Amazonie brésilienne » (acessible ici en portugais) révèle que six institutions financières américaines - BlackRock, Citigroup, J.P. Morgan Chase, Vanguard, Bank of America et Dimensional Fund Advisors - ont investi plus de 18 milliards de dollars, de 2017 à 2020, dans des entreprises dont les activités concernent l’invasion de terres, la déforestation et les violations des droits des peuples autochtones de l’Amazonie.
Trois secteurs stratégiques pour l’économie brésilienne - l’exploitation minière, l’agroalimentaire et l’énergie - ont généré des conflits avec les peuples autochtones d’Amazonie ces dernières années. Ces affaires impliquent les sociétés minières Vale, Anglo American et Belo Sun ; les sociétés agroalimentaires Cargill, JBS et Cosan/Raízen et les sociétés fournisseurs d’énergie Energisa Mato Grosso, Equatorial Energia Maranhão et Eletronorte, couvrant les États de Pará, Maranhão, Mato Grosso, Amazonas et Roraima.
"Le flux d’investissements étrangers vers les entreprises opérant au Brésil s’est développé en un réseau international complexe. Dans le déroulement de ces projets, les peuples autochtones sont souvent traités comme un « obstacle au développement » et leurs terres sont envahies, occupées, pillées et détruites", explique Eloy Terena, avocat de l’APIB. "Ces conflits naissent de la pression exercée pour ouvrir de nouveaux fronts d’exploitation en Terres Indigènes, entraînant des attaques directes de grileiros et d’autres envahisseurs, ainsi qu’un non-respect systématique de la législation protégeant les Terres Indigènes et les droits autochtones.
Selon les données analysées par l’APIB et Amazon Watch, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, BlackRock, a des investissements dans neuf des onze entreprises identifiées dans ce rapport. BlackRock détient à lui seul 8,2 milliards de dollars en actions et obligations de JBS, Energisa, Belo Sun, Vale, Anglo American, Cargill, Cosan, Eletrobras et Equatorial Energia. Malgré l’adoption, en début d’année, de mesures pour gérer ses investissements dans les secteurs causant des dommages climatiques, BlackRock n’a pas de politique en matière de gestion des investissements qui pourraient avoir un impact sur les droits des peuples autochtones. BlackRock ne s’est pas non plus engagée à faire pression sur les entreprises dans lesquelles elle investit pour qu’elles mettent fin à la déforestation des forêts tropicales telle que l’Amazonie.
Le deuxième gestionnaire d’actifs au monde, Vanguard, qui possède pour un total de 2,7 milliards de dollars des actions et/ou des obligations dans huit de ces sociétés : Anglo American, Cargill, Cosan, Eletrobras, Energisa, Equatorial Energia, Vale et JBS. J.P. Morgan Chase, dont le cadre de politique sociale et environnementale comprend un engagement spécifique pour la protection des droits des autochtones, a investi 2,4 milliards de dollars dans Anglo American, Cargill, Cosan, Eletrobras, Energisa, Equatorial Energia, Vale et JBS.
« Les recherches montrent que de grandes sociétés financières comme BlackRock, Vanguard et J.P. Morgan Chase utilisent l’argent de leurs clients pour permettre à des sociétés liées aux violations des droits des autochtones et à la dévastation de la forêt tropicale amazonienne de commettre des atrocités », explique Christian Poirier, directeur de programme chez Amazon Watch. « Cette complicité du secteur financier dans la destruction contredit les engagements en matière de climat et de droits de l’homme proclamés par certaines de ces entreprises, expose leurs investisseurs à des risques sérieux et contribue de manière dramatique aux crises mondiales croissantes de la biodiversité et du climat ».
Reconnue mondialement pour son manque d’engagement dans la traque des fournisseurs indirects, JBS a acheté du bétail élevé illégalement sur les Terres Indigènes-TI Uru-Eu-Wau-Wau (RO) et Kayabi (MT) - à un éleveur de bétail qui a accumulé plus de 20 millions de R$ d’amendes environnementales depuis les années 2000 pour avoir illégalement déboisé l’Amazonie.
En 2019, Energisa Mato Grosso a été inculpée par le Ministère Public Fédéral pour avoir fourni de l’électricité à des occupants illégaux qui avaient encouragé les invasions des Terres Indigènes-TI Urubu Branco depuis 1998. La société a refusé l’accès aux données personnelles des envahisseurs, tout en rejetant systématiquement l’électrification des villages autochtones au motif que la propriété des terres était contestée.
Onze processus de recherche de la compagnie minière canadienne Belo Sun, en cours d’analyse à l’Agência Nacional de Mineração, menacent directement les Terres Indigènes Arara da Volta Grande do Xingu et Trincheira Bacajá, au Pará. Bien qu’elle le nie, Vale dispose également des centaines de demandes d’exploration en Terres Indigènes de l’Amazonie. Et le Chemin de fer Carajás touche directement quatre Terres Indigènes : Rio Pindaré, Mãe Maria, Xikrin et Arariboia. Vale est accusée par les peuples autochtones de non-respect systématique des accords signés pour atténuer les impacts.
Les conflits en Terres Indigènes et les violations des droits des autochtones impliquant les autres entreprises sont décrits dans le rapport.
Complicité de destruction III - partie de la recherche effectuée par l’observatoire journalistique DONR (De Olho nos Ruralistas/un oeil sur l’agronégoce) et par l’institution de recherche néerlandaise Profundo.
Le DONR a cartographié les activités des entreprises brésiliennes et internationales afin d’identifier les abus tels que les invasions des Terres Indigènes, la déforestation illégale et d’autres violations des droits des autochtones dans tout le Brésil. Sur la base de cette première enquête, Profundo a analysé les chaînes de production, les acheteurs et les investisseurs internationaux, dans le cadre d’un recoupement des données qui a permis d’identifier les 11 entreprises citées dans le rapport. Le document fournit également des recommandations aux entreprises opérant au Brésil, aux entreprises importatrices, aux institutions financières, ainsi qu’aux gouvernements et législateurs du monde entier.
Contacts presse
Caio Mota, APIB : + 55 65 9686-6289
Camila Rossi, Amazon Watch-Brazil : + 55 11 98152-8476
Helena Borges, Gota : helena@umagotanooceano.org