"Je suis fatiguée d’être domestiquéeJe veux aller par moi-mêmeOrganiser la rébellionEt cessez ainsi d’être otage".Chant de Marli Fagundes, Eula Martins et Maria Monte, entonné lors de la IIe Rencontre nationale des femmes du Cerrado/Nov 2020
En ce 8 mars 2021, nous, de l’Articulation des Femmes du Cerrado, femmes originaires de différents territoires, communautés, municipalités et États de ce pays appelé Brésil, venons à travers ce manifeste exprimer notre Ré(Ex)sistance et rejet des différentes formes de violence infligées à nos corps et à nos territoires.
Nous sommes nombreuses, nous nous battons pour la vie, pour la mémoire de celles qui nous ont précédées et pour celles qui ne sont plus là. Nous portons dans notre sang la force de nos ancêtres, parce que nous sommes résistantes, résilientes, féministes, noires, autochtones, quilombolas, paysannes, assentadas e acampadas [1], sans-terre, victimes de l’exploitation minière et des barrages, briseuses de noix de coco Babaçu, femmes du Sertão, pêcheuses, vazanteiras, LGBTQI+, salariées rurales, de fundo e fecho de pasto, raizeiras, guérisseuses, agricultrices, geraizeiras, ribeirinhas.
En 2020, nous, Femmes du Cerrado, de la campagne et de la ville, avons été durement touchées par l’arrivée de la pandémie de Covid-19. Nous avons perdu de nombreuses camarades de lutte et avec elles tant de sagesse ancestrale. Pour certaines d’entre elles, nous n’avons pas eu le temps de nous dire au revoir, de les prendre dans nos bras, de leur dire merci. Cependant, nous avons résisté et nous résisterons toujours ! Au-delà de la pandémie, les tâches ménagères, les enfants, les anciens, les champs, la casse des noix de coco Babaçu, les milliers de réunions constituent une surcharge de travail qui nous pose problème.
Comme si toutes ces souffrances ne suffisaient pas, les données nous alarment. Selon les informations de l’Annuaire brésilien de la sécurité publique, au Brésil, une femme est physiquement agressée toutes les deux minutes, 266 310 cas de dommages corporels, résultant de violence domestique et 1 326 féminicides ont été enregistrés en 2019 (FBSP, 2020). Toute cette violence se produit principalement au sein du foyer, un espace qui devrait être un abri, un lieu d’accueil et d’amour et qui est devenu, au quotidien, un espace de tension, d’agression et de mort. Nous rejetons tout acte de violence à l’encontre des femmes, qui entraîne douleur, souffrance et mort.
Nous dénonçons et rejetons la violence récurrente et croissante de la pandémie de Covid-19, due à l’action des accapareurs de terres, des mercenaires, à la spéculation immobilière, à l’empoisonnement des eaux et des biomes, à la déforestation, aux incendies criminels, à l’extermination de la faune et de la flore de nos territoires.
Nous dénonçons l’absence de régularisation de nos territoires, les changements dans les lois foncières au Brésil ainsi que dans la législation environnementale et la marchandisation de la nature (Zonage économique écologique - ZEE, Registre environnemental rural - CAR et Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation - REDD), l’allocation des terres à la monoculture, l’exploitation minière. Ces mesures sont toutes liées à l’augmentation de la violence dans les campagnes.
Nous dénonçons les pratiques sexistes et patriarcales perpétuées par les entreprises et par l’État, qui cherchent à nous exterminer et à mettre fin à nos histoires, en nous expulsant de nos territoires. Mais nous clamons que nous avons des racines profondes et que ce ne sera pas facile, nous germerons toujours, plus fortes et bien vivantes !
Nous dénonçons également le gouvernement fédéral génocidaire, irresponsable, sexiste et raciste. Gouvernement qui a sur les mains le sang de plus de 260 mille morts causés par la Covid-19. Un gouvernement qui tue et néglige, au lieu de s’occuper des gens et de l’un des plus grands systèmes de santé publique, le Système universel de santé (SUS). Le SUS sauve, le gouvernement non ! Un gouvernement qui nie la pandémie et le vaccin et laisse le virus se propager parmi les populations les plus pauvres et les plus vulnérables... Nous hurlons : Dehors Bolsonaro !
Pour toutes ces raisons, nous continuons à résister et à chercher des moyens de nous protéger. Nous créons nous-mêmes des barrières sanitaires, nous continuons à prendre nos tisanes de plantes, de racines et de graines plantées dans nos territoires, nous renforçons nos pratiques de production pour la sécurité et la souveraineté alimentaires et nous poursuivons nos articulations. Nous avons organisé notre IIe Rencontre des femmes du Cerrado, qui a rassemblé plus de 100 personnes, originaires de différents États et municipalités. C’était magnifique d’expérimenter tant de force, de courage et de sagesse.
Nous continuerons à tenir bon, à abattre les barrières et les murs, à affronter le machisme, le racisme et le patriarcat. Nous continuerons à planter des graines, à récolter des fruits, des fleurs, à arroser les racines qui sont les veines de la terre, ce qui relie l’intérieur à l’extérieur, arrosées par les eaux abondantes du Cerrado, qui ruissèlent des montagnes et font germer des vies et des rêves, renforçant nos liens avec la Terre Mère.
Articulation des femmes du Cerrado