La protection de la vie des autochtones exige des mesures énergiques contre les envahisseurs et la reprise des démarcations

 | Par CIMI

Le début de l’année a montré que la violence contre les peuples autochtones reste structurelle et exige des actions fortes de la part du gouvernement pour protéger la vie et empêcher l’impunité.

Manifestation à Brasilia contre le projet de loi 191/2020 sur l’exploration des ressources naturelles sur les terres autochtones (Photo : APIB)

En janvier 2003, il y a vingt ans, Lula a gravi la rampe du Palais présidentiel pour la première fois en tant que président de la République. Le pays accueillait ce nouveau moment politique avec d’énormes aspirations ; l’espoir avait vaincu la peur. Les peuples autochtones attendaient des mesures urgentes qui constitueraient des avancées significatives dans la garantie de leurs droits. Entre autres, la ratification immédiate de la Terre autochtone (TI) Raposa Serra do Sol, à Roraima.

Cependant, le 3 janvier, deux jours seulement après l’investiture, un autochtone , Aldo Mota Macuxi, disparaissait sur cette même terre autochtone pour être retrouvé, six jours plus tard, le corps à moitié enterré ; il avait été assassiné par des envahisseurs de terres, qui indiquaient clairement que la violence était destinée à continuer. Ce qui est certain, c’est que suite à cela, le gouvernement Lula a mis deux ans et demi pour ratifier la TI Raposa Serra do Sol, dont la démarcation devra encore connaître un parcours judiciaire complexe devant le Tribunal Supérieur Fédéral (STF) jusqu’à sa régularisation complète.

Vingt ans plus tard, le 1er janvier 2023, l’espoir du peuple brésilien, et en particulier celui des peuples autochtones, gravit à nouveau la rampe du Palácio do Planalto. Cette fois, l’espoir a surmonté la terreur du fascisme et du génocide de ces quatre dernières années. Le nouveau gouvernement a intégré le ministère des Peuples autochtones et le ministère de l’Egalité raciale en première ligne de l’élaboration des politiques publiques et a rétabli la pratique consistant à confier la direction des portefeuilles fondamentaux tels que l’éducation, la santé et les droits humains à des politiques compétents.

Des décisions commencent à être prises, les perspectives de justice et de démocratie renaissent et le monde célèbre le retour du Brésil dans les discussions mondiales les plus stratégiques, comme l’environnement et les droits de l’homme. Cependant, la violence à l’encontre des peuples autochtones a une fois de plus montré ses griffes d’intimidation et de mort ; l’ennemi ne dort pas, il continue à tuer parce qu’il s’est habitué à la garantie d’impunité de l’État.

Le 9 janvier, des hommes armés ont abattu, sur ordre de leurs patrons, deux jeunes du peuple autochtone Mura dans la municipalité d’Autazes dans l’Etat d’Amazonas. Les jeunes ramassaient des châtaignes sur leur territoire traditionnel, envahi par des usurpateurs de terres. La situation est connue des pouvoirs publics et les rapports de menaces et de violations s’accumulent en toute impunité.

Le même 9 janvier, dans le Maranhão, deux jeunes hommes Guajajara ont été blessés par balle alors qu’ils marchaient le long d’une autoroute qui traverse la TI Arariboia . Tous deux ont été touchés à la tête et ont dû subir des interventions chirurgicales d’urgence. L’attaque a les mêmes caractéristiques que d’autres qui, en septembre 2022, avaient tué trois autochtones sur le même territoire.

Le 17 janvier, les jeunes Samuel et Nauí, du peuple Pataxó, ont été brutalement assassinés par balles dans le cadre de la reprise de terrains situés dans les limites de la TI Barra Velha, à l’extrême sud de Bahia lesquels avaient été usurpés par des éleveurs.

À Rondônia, à l’intérieur de la TI Karipuna, déjà délimitée et ratifiée, la violence des invasions par des usurpateurs de terres, des bûcherons et des orpailleurs illégaux s’intensifie. Outre la gravité de la situation du peuple Karipuna - vulnérable après avoir été quasiment décimé lors du désastreux contact forcé des années 1970 - le contexte de ce territoire est encore plus dramatique en raison de la présence de groupes autochtones isolés. Les Karipuna ont trouvé des traces d’autochtones isolés de plus en plus proches de leur village, ce qui indique qu’ils sont eux aussi pris au piège.

La même semaine, un chef spirituel du peuple guarani a été enlevé et torturé dans l’ouest du Paraná, comme l’a rapporté le cacique du territoire Y’hovy tekoha, de Guaíra, dans le cadre de conflits découlant de l’absence de démarcation des territoires traditionnels. Le début de l’année a montré que l’escalade de la violence contre les peuples autochtones reste structurelle et progresse avec ses traits habituels de cruauté et de virulence.

Le président Lula lui-même et plusieurs de ses ministres ont pu constater les conséquences que l’orpaillage illégal et la négligence de l’État en matière de soins de santé ont eues sur le peuple Yanomami. Ce n’est pas une situation nouvelle ; elle a été dénoncée d’innombrables fois par les organisations autochtones et leurs alliés. Entre novembre 2018 et décembre 2022, il y a eu jusqu’à six décisions judiciaires, dans les différentes instances du pouvoir judiciaire, condamnant l’État à prendre les mesures urgentes nécessaires.

En mai 2020, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a publié une mesure de prévention allant dans le même sens. Ce qui s’est passé dans la TI Yanomami au cours des quatre dernières années constitue un crime prémédité, une opération systématique visant à tuer ou à laisser mourir, par balle ou par famine, avec l’avancée impunie de l’orpaillage et l’abandon absolu des soins de santé, ce qui constitue des formes concrètes de génocide contre un peuple.

L’intervention sanitaire d’urgence déjà annoncée par le nouveau gouvernement doit s’accompagner, le plus rapidement possible, d’une action déterminée et coordonnée visant à évacuer les orpailleurs de ce territoire.

Le nouveau gouvernement apporte avec lui non seulement une sensibilité sans précédent, mais aussi de nouveaux mécanismes et institutions pour la défense de la vie et des droits humains - et, par conséquent, une plus grande capacité de réaction. Il est donc fondamental qu’il agisse dès le premier instant de manière énergique et résolue, sans équivoque, pour protéger la vie des peuples autochtones et faire face à cette escalade de la violence en empêchant tout scénario d’impunité.

Il est essentiel, en même temps, que le gouvernement prenne immédiatement les mesures nécessaires pour reprendre la politique de démarcation et de protection des territoires autochtones, avec les ressources nécessaires pour cela, démontant avec fermeté et détermination la thèse fallacieuse du seuil temporel. Le défi incontestable du rétablissement de la coexistence démocratique dans le pays passe clairement par la garantie des droits fondamentaux des peuples autochtones.

Le Conseil missionnaire pour les peuples autochtones (CIMI) affirme son engagement à participer et à contribuer à ce moment historique que vit le pays. On ne cessera de dénoncer en permanence la violence systématique à l’encontre des peuples autochtones et ne renoncera pas à l’espoir obstiné, appris en vivant ensemble avec les peuples, d’une société sans violence, d’un pays de justice et d’un projet de Bien Vivre pour tous.

Brasília (DF), le 23 janvier 2023
Conseil missionnaire pour les peuples autochtones (CIMI)

Voir en ligne : Nota do Cimi : a proteção das vidas indígenas exige medidas contundentes contra invasores e a retomada das demarcações

Couverture:Déforestation illégale dans la Terre Indigène Karipuna, démnarquée en 2019.
Photo : Chico Bata/Todos os Olhos na Amazônia

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