Déconstruction des services publics au Brésil Rapport de l’Observatoire Droits Humains, Crise et Covid-19

Les données du rapport de l’Observatoire Droits Humains, Crise et Covid-19 montrent que le pays connaît un véritable démantèlement de ses politiques sociales.

L’Observatoire Droits Humains, Crise et Covid-19 a lancé, le jeudi 27 octobre, son rapport intitulé Déconstruction des services publics au Brésil, apportant des données dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité alimentaire et des politiques socio-environnementales pendant la période la plus critique de la pandémie dans le pays.

On peut y voir comment, dans ces segments, les actions du gouvernement fédéral ont impacté de manière significative les droits sociaux et les défis dans la lutte pour la défense des droits humains.

En outre, l’incitation à la haine et à la violence de la part du président de la République, les conflits entre les pouvoirs et entre les sphères fédératives, l’interruption des longs cycles de politiques publiques et le désengagement des politiques sociales ont produit la plus importante et la plus grave crise de l’histoire du Brésil depuis 1988.

Ce rapport vise également à montrer l’avancement du démantèlement des services publics, dans le contexte de la pandémie, et les indicateurs de la manière dont ce scénario a eu un impact sur les violations des droits humains, en particulier ceux de la population noire, des peuples et communautés traditionnels, des femmes et des personnes LGBTQIA+.

Le délabrement de l’enseignement public au Brésil

La recherche révèle que les inégalités sociales, raciales, économiques et de genre se sont aggravées dans le domaine de l’éducation au moment de la pandémie, surtout en raison des difficultés d’accès à Internet par un certain nombre de personnes et de l’omission du gouvernement fédéral dans la coordination des politiques éducatives, entraînant une augmentation du taux d’abandon scolaire. Pour aggraver la situation, l’absence de planification budgétaire pour 2023 confirme l’inexistence d’une stratégie nationale sur la manière de corriger les asymétries sociales dans le cadre de la reprise de cours en présentiel.

En ce qui concerne l’accès à Internet, selon l’Enquête nationale continue auprès d’un échantillon de ménages sur les Technologies de l’information et de la communication (PNAD Contínua TIC), en 2020, environ 36,5 millions de personnes n’avaient pas accès à Internet en 2019. La même année, 39% des élèves des écoles publiques urbaines ont déclaré qu’ils n’avaient pas d’ordinateur à la maison et 21% avaient accès à Internet uniquement par le biais d’un téléphone portable. Ces données montrent que dans la période précédant la pandémie de Covid-19, l’accès aux technologies de l’information et de la communication dans le pays ne permettaient pas l’adoption de l’enseignement à distance sans le développement de stratégies et l’allocation de ressources pour l’acquisition d’équipement et la connectivité, des actions qui auraient pu empêcher l’aggravation des inégalités et des asymétries sociales et économiques entre les élèves des réseaux publics et privés.

Les différences régionales en matière d’accès à Internet sont également frappantes. Dans les régions Nord et Nord-Est, seuls respectivement, 68,4% et 77% des élèves du réseau public, avaient accès à Internet. Dans les autres régions, ce pourcentage se situait entre 88,6% et 91,3%, soit une différence d’environ 20% entre les régions. En outre, la majorité des personnes n’ayant pas accès à Internet sont noires ou autochtones, ce qui accroît l’inégalité déjà existante si l’on tient compte de l’origine ethnique des élèves.

Cette difficulté que de nombreux enfants, adolescents et jeunes gens ont eu pour faire des études pendant la pandémie peut être une source d’élargissement des inégalités dans le futur, étant donné que celles et ceux qui n’ont pas pu suivre les cours pendant cette période sont désavantagés par rapport aux personnes qui ont eu accès à l’enseignement à distance et les conséquences négatives pour les personnes de conditions sociales et économiques inférieures ont pu être considérablement amplifiées.

Le manque de coordination de la part du MEC et l’augmentation du nombre d’abandons scolaires

L’enquête apporte également des informations récentes sur l’absence de coordination du ministère de l’Education (MEC), entre 2019 et 2022, et l’aggravation de l’abandon scolaire. Les données révèlent que, durant cette période, le MEC a agi systématiquement dans le but de démanteler les politiques éducatives, fruit d’années de lutte des organisations de la société civile et des mouvements organisés. Celles et ceux qui avaient la charge de la gestion des politiques nationales, durant la pandémie de Covid-19 se sont engagés à mener des actions purement polémiques visant à renforcer un projet politique conservateur. En outre, ils ont continué à porter atteinte à la démocratie, à la laïcité et à la liberté de pensée. Ils ont systématiquement réduit les fonds destinés à l’éducation et aux politiques inter fédératives désarticulant ainsi les actions en partenariat avec les entités infranationales.

« Le ministère dispose d’un ensemble de professionnels de grande qualité qui sont là pour servir l’État et non les gouvernements X ou Y. La gestion des politiques éducatives est l’une des plus grandes pertes de la gestion du MEC », déclare le professeur Erasto Fortes, du secteur des politiques éducatives et de la gestion de l’éducation à l’Université de Brasilia (UnB).

Les données montrent également qu’environ 1,38 million d’apprenants âgés de 6 à 17 ans, soit environ 3,8%, ont quitté l’école en 2020. Un taux supérieur à la moyenne de la PNAD de 2019, qui a enregistré un taux d’abandon scolaire de 2 %. Dans la tranche d’âge des 5 à 9 ans, le taux d’abandon passe de 1,41% en 2019 à 5,5% en 2020. En 2021, ce taux a atteint 4,25 %.

Selon l’IBGE, plus de 5 millions d’enfants et d’adolescents n’ont pas eu accès à l’éducation en 2020, principalement les enfants et adolescents noirs, métisses et autochtones.

En plus de cela, il existe une relation étroite entre la pauvreté et l’exclusion scolaire. En 2019, plus de 90 % des personnes non scolarisées vivaient dans des foyers dont le revenu par habitant était inférieur à un salaire minimum. Ce niveau de revenu indique que les conditions de vie et l’accès à d’autres conditions de dignité et d’autres droits peuvent également être compromis.

Dans l’enquête menée pour vérifier comment le ministère de l’Education (MEC) entend résoudre ces problèmes, le rapport du Tribunal de Comptes de l’Union (TCU), de 2021, indique qu’il n’y a pas de signal de planification de leur part pour faire face aux effets négatifs de la pandémie et de plans visant à changer cette réalité dans les années à venir.

Les politiques de santé négligées

Les données sur la santé montrent que le gouvernement fédéral a abandonné les Brésiliens à leur propre sort pendant la pandémie de Covid-19.

Le Programme National d’Immunisation (PNI), responsable du contrôle des maladies dans le pays, est littéralement abandonné depuis juillet 2021,date à laquelle la directrice de cette institution à l’époque, Franciele Fontana, a quitté son poste. Son remplaçant, Ricardo Gurgel, n’a même pas pris ses fonctions car il était favorable à la vaccination. Il est en effet apparu clairement que l’une des conditions nécessaires pour diriger le PNI était que la personne choisie devrait être opposée à la vaccination. Contradictoire ? Pour ce gouvernement, juste un domaine important de plus, garanti par la Constitution fédérale, le droit à la santé publique, qui est en train d’être détruit.

Depuis 2020, la pandémie de Covid-19 a tué environ 700 000 Brésiliens et Brésiliennes et il n’y a personne pour coordonner le secteur responsable de la vaccination. La négligence atteint l’immunisation contre d’autres maladies. La couverture vaccinale est tombée à 75% en 2020, contre 97% en 2015.Les maladies telles que la tuberculose, la poliomyélite, la pneumonie, la méningite, les hépatites A et B peuvent à nouveau se propager dans la société brésilienne, exerçant ainsi une pression encore plus forte sur le système de santé, menaçant ainsi la vie de la population.

Le Brésil réapparaît sur la carte de la faim

La crise économique a conduit de nombreuses personnes durant la pandémie à avoir recours aux dons de nourriture. Des scènes de gens achetant des os, des carcasses et de la peau de poulet, vu qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour acheter de la nourriture, sont devenus courantes.

Selon la FAO, la situation du Brésil est plus grave que la moyenne mondiale. Entre 2019 et 2021, 4,1% de la population brésilienne était sous-alimentée. Lors de l’enquête précédente, ce pourcentage était de 1,7%. Le pays en est arrivé à cette situation préoccupante en raison de divers facteurs tels que le chômage, la perte de revenus, le modèle de production et l’accès aux ressources en eau, en plus de l’affaiblissement de l’agriculture familiale et du démantèlement des politiques publiques.

Dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage, l’inégalité raciale est également visible : les producteurs noirs ou métis sont concentrés dans de petits secteurs, alors que les producteurs blancs sont majoritaires à mesure que la superficie augmente.

La structure agraire brésilienne est, en même temps, un exemple de concentration des terres et de reproduction des logiques racistes de pouvoir et d’exclusion qui affectent la production alimentaire et la gestion des ressources naturelles. D’innombrables conflits et la violence ont expulsé les noirs de leurs territoires, produisant au cours des siècles d’intenses exodes vers les villes. Aujourd’hui, la majorité de la population noire habite les centres urbains et, une fois de plus, elle est privée de droits fondamentaux tels que la terre, l’éducation, le travail, les revenus et, par conséquent, l’alimentation.

Les conflits socio-environnementaux ont triplé ces dernières années

L’enquête fournit également des données sur l’Amazonie et la façon dont la région est dominée par la logique des groupes armés et criminels, laquelle semble influencer la vie de la population, corrompant et occupant l’économie, la politique et la vie quotidienne des gens. En 2021, l’Amazonie légale, qui concentre seulement 24% de la population rurale du pays, a enregistré trois fois plus de conflits que dans le reste de la région. Il y a eu 29 morts dans cette région qui comprend les États du Nord du Brésil ainsi que le Mato Grosso et le Maranhão.

Source : Adapté de Couto (2022, p. 54). Secrétariats d’État à la sécurité publique et/ou Sécurité publique et/ou défense sociale ; PC-MG ; Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE) ; Forum brésilien sur la sécurité publique

Le nombre de conflits fonciers sous le président Jair Bolsonaro a déjà dépassé toutes les gestions précédentes depuis la redémocratisation, en 1985. Selon la Commission pastorale de la terre (CPT), une entité liée à Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), entre 2019 et 2021, le pays totalisera 4 078 conflits générés par la tension dans les zones rurales. En seulement trois ans, cette donnée dépasse déjà celle de l’administration précédente, qui était de 3 973 conflits pour la terre, entre 2015 et 2018.

Source : Adapté de Madeiro (2022b).
*Note : Gouvernement encore incomplet.

Le rapport montre que les conséquences de la déconstruction des services publics contribue à la montée de la violence dans les zones rurales et au démantèlement des politiques publiques foncières et environnementales, plaçant les groupes sociaux historiquement déjà vulnérables dans une situation d’extrême violence. Les peuples autochtones, les communautés quilombolas, communautés riveraines, les pêcheurs, les travailleurs ruraux et les petits propriétaires fonciers voient leurs droits fréquemment violés par le déficit démocratique croissant et les fissures dans les institutions de l’État qui devraient garantir leurs droits.

Voir en ligne : O Observatório Direitos Humanos, Crise e Covid-19 lança o seu mais novo Informe Desconstituição dos Serviços Públicos no Brasil

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