Le Crédit Agricole était le principal bailleur de fonds des sociétés minières ayant des intérêts dans les Territoires Autochtones d’Amazonie Rapport Complicité dans la destruction IV

 | Par Amazon Watch, APIB

Un nouveau rapport de l’Association des peuples autochtones du Brésil - Apib et d’Amazon Watch révèle les principaux investisseurs de huit grandes sociétés minières, dont Vale, Anglo American et Belo Sun, qui souhaitent explorer des Terres Indigènes au Brésil. Le Crédit Agricole est le principal créancier des sociétés minières, avec 698 millions de dollars de prêts et de garanties.

Nilmar Lage / Greenpeace

L’Articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB), en partenariat avec l’organisation de défense de l’environnement et des droits humains Amazon Watch, a lancé Complicité dans la destruction IV : Comment les compagnies minières et les investisseurs internationaux favorisent les violations des droits des autochtones et menacent l’avenir de l’Amazonie (Rapport en portugais, non-traduit). Ce rapport est la première compilation d’études de cas exposant les risques que les acteurs internationaux prennent en finançant potentiellement les intérêts miniers illégaux sur les Terres Indigènes de l’Amazonie brésilienne.

La banque française Crédit Agricole a été le principal bailleur de fonds des sociétés minières. Ce sont l’équivalent de 698 millions de dollars étatsuniens de prêts et de garanties. Elle est suivie de la Bank of America, basée aux États-Unis, finançant 670 millions de dollars. La banque allemande Commerzbank est arrivée en troisième position finançant un total de 668 millions de dollars, suivie par le conglomérat Citigroup, également des États-Unis, avec 651 millions de dollars, et par le groupe SMBC du Japon, avec 525 millions de dollars.

Les entreprises identifiées ont en commun un passé de violations des droits humains et d’attaques à l’environnement. Elles partagent encore un intérêt de longue date pour l’expansion de leurs activités dans les Terres Indigènes, où l’exploitation minière est actuellement illégale.

« Alors que nous luttons pour garantir notre droit à la vie, tant sur nos territoires que dans le monde entier, le gouvernement brésilien et les compagnies minières tentent de faire avancer un "projet de mort". Nous ne pouvons pas continuer à vivre côte à côte avec des activités qui forcent les peuples autochtones à pleurer l’assassinat quotidien de nos proches, ou à assister à la destruction des biomes, dont nous sommes les gardiens et gardiennes, cédant la place à des projets qui ne génèrent aucun développement réel, mais seulement de la destruction et des profits pour une poignée d’individus », déclare Sonia Guajajara, de la coordination exécutive de l’APIB.

Neuf entreprises sont analysées dans le rapport en raison de leurs activités de prospection et d’exploration minière sur les territoires autochtones et de leurs antécédents en matière de violations des droits. Ces neuf entreprises -Vale, Anglo American, Belo Sun, Potássio do Brasil, Mineração Taboca et Mamoré Mineração e Metalúrgica (toutes deux du Grupo Minsur), Glencore, AngloGold Ashanti et Rio Tinto - ont reçu un total de 54.1 milliards de dollars étatsuniens de financement de la part d’investisseurs au cours des cinq dernières années, entre janvier 2016 et juillet 2021. Au total, ce sont 12,2 milliards de dollars de prêts et garanties exclusivement pour leurs activités au Brésil. La plupart ont pris la forme de prêts, 77% du total, pour une valeur de 9,4 milliards de dollars. C’est en 2019, avant la pandémie, que l’on observe les plus gros volume, un total de 4,3 milliards de dollars.

« Il doit y avoir une compréhension générale que ces zones ne sont pas disponibles pour l’exploration minière. Elles ne devraient pas l’être, à la fois parce qu’il doit y avoir un respect de notre droit constitutionnel à l’autodétermination en tant que peuples autochtones, et parce que nos territoires sont importants dans la lutte contre le changement climatique et la garantie de la vie sur la planète. Il en va de même pour les territoires traditionnels et les autres zones de préservation. Cette compréhension doit venir du gouvernement brésilien, mais aussi des entreprises - qui sont parfaitement capables de savoir de manière proactive quelles zones représentent des risques avant de déposer leurs demandes d’exploration - et des sociétés financières qui les financent », ajoute Dinaman Tuxá, de la coordination exécutive de l’APIB.

L’entreprise Vale est celle qui a reçu le plus d’investissements et de prêts au cours de cette période, avec 35,8 milliards de dollars étatsuniens. Cela montre que même les catastrophes successives dans les villes de Mariana et Brumadinho n’ont pas réduit l’appétit des investisseurs pour la société minière. Ces données ont été obtenues avec le soutien de l’institution néerlandaise Profundo Research and Advice.

« La pandémie de COVID-19, au lieu de paralyser les industries extractives, a en fait poussé le secteur minier à battre des records de bénéfices au cours des deux dernières années. Ces banques et gestionnaires de fonds privés continuent de croire qu’investir dans l’industrie minière est "bon" pour les affaires, ignorant l’historique des violations et des impacts causés par cette industrie. Bien que de nombreux financeurs aient déjà été cités dans les éditions précédentes du rapport, cette nouvelle édition démontre l’urgence avec laquelle ils doivent s’engager dans un changement réel afin d’arrêter le parcours destructeur de l’exploitation minière. Leur risque et leur exposition ne font qu’augmente », déclare Rosana Miranda, conseillère de campagne d’Amazon Watch.

Les compagnies minières détiennent des demandes actives d’exploration des Terres Indigènes.

Le rapport Complicité dans la destruction IV révèle que, malgré les récentes déclarations de grandes compagnies minières annonçant l’abandon de leurs intérêts dans les Territoires Indigènes du Brésil, des milliers de demandes de prospection et d’exploration minière visant ces zones sont toujours « en cours » dans la base de données de l’Agence nationale des mines (ANM). L’ouverture des Terres Indigènes à l’exploration minière et à la prospection reste au centre du programme politique de Bolsonaro. Avec la poursuite des politiques fédérales telles que le projet de loi 191/2020 et le projet de loi 490/2007 au Congrès, les sociétés minières auront la priorité pour exploiter les territoires autochtones.

Après la publication de Complicité dans la destruction III, APIB et Amazon Watch ont commencé à cartographier les intérêts des grandes compagnies minières qui agissent sur les les Terres Indigènes en 2020. Malgré les déclarations de retrait de géants tels que Vale et Anglo American, les recherches montrent que de nombreuses demandes de prospection et exploration restent actives dans le système de l’ANM - dans certains cas, on observe une augmentation du nombre de ces demandes. De plus, certaines ont été à nouveau soumises de sorte que les zones d’exploration restent directement adjacentes aux Terres Indigènes, ce qui a tout de même un impact énorme.

En novembre 2021, les neuf entreprises ayant fait l’objet de l’enquête avaient ensemble un total de 225 demandes de prospection et d’exploration minière actives sur 34 Terres Indigènes - une superficie qui correspond à 5 700 kilomètres carrés ou à plus de trois fois la ville de Londres.

Les Terres Indigènes les plus touchées par ces demandes sont celles de Xikrin do Cateté (Etat du Para), Waimiri Atroari (Etat de l’Amazonie) et Sawré Muybu (Etat du Para). L’essentiel des demandes se concentre dans l’État brésilien du Pará, où elles ont été multipliées par deux entre juillet et novembre 2021. Les données ont été obtenues grâce à un partenariat avec le projet Mined Amazon, à partir du portail InfoAmazonia, qui a donné lieu à un tableau de bord interactif - lancé en tandem avec le rapport - permettant des recherches en temps réel dans la base de données de l’ANM.

Le rapport Complicité dans la destruction IV détaille également dans cinq études de cas les impacts et les violations des droits perpétrés par les compagnies minières Vale, Anglo American, Belo Sun, Potássio do Brasil, et Mineração Taboca. Avec le soutien de l’Observatorio das minas, l’histoire de ces conflits et leurs développements actuels ont été décrits, allant de l’invasion des territoires traditionnels à la contamination par les métaux lourds, en passant par le mépris du droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé. Grâce aux témoignages des communautés touchées, qui remettent en cause les déclarations officielles des entreprises sur leurs initiatives, le rapport montre comment la présence et les activités de ces entreprises modifient à jamais la vie de ces peuples et communautés. L’exploitation minière en Amazonie, notamment au sein des peoples autochtones, peut également détruire les écosystèmes et contribuer au changement climatique.

« Les dommages environnementaux et les menaces contre la vie des peuples des forêts par les activités minières sont brutaux et n’ont fait qu’empirer sous l’administration de Bolsonaro. L’année dernière, la déforestation liée à l’exploitation minière en Amazonie a augmenté de 62 % par rapport à 2018 - l’année de son élection. Nous sommes toutes et tous conscients que l’approbation du projet de loi 191 pourrait entraîner la perte de 16 millions d’hectares de forêt tropicale amazonienne. La forêt tropicale étant au point de basculement, de l’effondrement écologique, nous devons impliquer tous les acteurs derrière cette industrie. Les gouvernements, les entreprises et les investisseurs doivent tous être tenus responsables et mettre fin à cette destruction. Si les entreprises n’agissent pas, les investisseurs doivent se désinvestir », déclare Ana Paula Vargas, directrice du programme Brésil d’Amazon Watch.

Voir en ligne : Relatorio Cumplicidade na Destruição IV

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